une expression plus précise, plus intense aux émotions du peintre.
Peeters se défend de vouloir échafauder un système analogue à celui
qu’il dénonce chez Mondriaan et Théo Van Doesburg ; mais cette
rigoureuse intolérance, qui n’admet que les seules formes abstraites,
n'est-elle pas un système également, destiné lui aussi à étouffer dans
un domaine limité à l’excès.
Certes, de telles réalisations peuvent comporter de grandes quali
tés plastiques. Et dans l’album qui nous occupe, on se réjouira du
précieux équilibre qui distingue chaque gravure. Les blancs et noirs
y sont savamment combinés et c’est une joie pour l’œil que de con
templer ces constructions, à la fois solides et élégantes, d’une rare
harmonie. C’est un aspect de l’art, cela, mais ce ne l’est pas tout
entier. J’avoue volontiers aussi que chaque lino possède un rythme
propre, tantôt paisible, tantôt tumultueux, et que la méthode adop
tée par Peeters est loin de mener à la monotonie. Mais à l’art déco
ratif pas d’avantage on ne peut reprocher d’être monotone, et les
motifs qu’il emprunte sont également variés à l’infini.
Enfin, si Peeters me rétorque qu’il n’a fait que se soumettre entière
ment aux lois qui régissent l’emploi de la surface à deux dimensions,
je lui répondrai qu’en effet c’est chose indispensable, mais que ce
n’est pas un motif suffisant pour rejeter à priori toute forme pouvant
rappeler un objet naturel. Il est parfaitement possible de respecter la
surface plane de la toile en se servant de formes figuratives, non pas
dans le but d’obtenir une vaine imitation de la nature, mais simple
ment parce que leur emploi peut mener l’artiste plus près de son but
d’expression plastique. S’il est vrai que le peintre n’a pas à se soucier
de construire une œuvre intelligible à tous jusque dans ses plus
petits détails, pourvu que le spectateur participe à l’émotion qui
présida à son origine, il n’en est pas moins exact qu’il doit utiliser
toutes les possibilités que lui offrent ses moyens d’expression, à con
dition de ies adapter aux nécessités qui régissent sa forme d’art.
Résumons-nous en affirmant qu’ici, comme en toutes choses, un
exclusivisme excessif doit fatalement aboutir à l'élaboration d’un
système étroit et morne. C'est ce qui est arrivé chez Peeters qui, en
interprétant trop à la lettre les grandes lois de l’art de peindre, s’est
fourvoyé dans une impasse et qui, sous prétexte de “peinture pure,,,
en arrive à faire tout bonnement de l’art décoratif, de qualité supé
rieure sans doute, mais de l’art décoratif tout de même. G. M,
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