LA GUÉRISON SÉVÈRE
Mon corps a changé : cependant ma pensée ne s’est
pas arrêtée d’être la même, depuisqueje suis malade,
et je n’ai pas cessé de la suivre.
Il y a eu un temps où j’ai tâché de profiter d’elle.
J’ai renoncé alors aux images et aux histoires que je
me formais, et j’ai couvert d’inscriptions le mur
qui est en face de moi.
(Voici la principale des histoires, dont j’ai été
préoccupé plus de trois jours: le Docteur avait bien
emporté sur le bateau d’assez grands blocs de glace,
mais qui avaient été misa prendre dans des tonneaux :
ils étaient exactement ronds, de sorte que les mate
lots s’exerçaient avec eux tous les soirs à lancer le
disque. Ils fondaient et devenaient sales. Maintenant
ils se trouvaient juste assez grands pour que le Doc
teur et moi pussions jouer au jacquet; encore certains
d’entre eux ressemblaient-ils plutôt à des pions de
dames.
Le bateau n’avait pas fini
de tourner le cap, il nous arrivait de vomir le sang.
Ce sang nous venait brusquement à la bouche, avec
le goût et la forme d’une langue de chien. Nous
mangions alors un de nos pions, en prenant les plus
propres, et cela compliquaitle jeu.)
J’écrivis donc dans le coin gauche de la tapisserie,