LIVRES CHOISIS 
Tristan Tzara : Vingt-cinq poèmes. 
On ne sait jamais si c’est une fleur ou une bête, ni son 
sexe, et cet homme qui porte une veste à brandebourgs 
prend trop de libertés avec les sexes. Mais le vent l’em 
porte ; il n’y a que du vent et l’on vend au rabais toute 
la quincaillerie du bazar : solde avant inventaire. Le 
livre ne touche que les marchands d’images. Ils font 
des étoiles et marquent les prix d’achat devant les 
numéros. Vous voyez bien que c’est un catalogue. 
Pierre Reverdy. 
Les Jockeys camouflés et Période Hors Texte. 
Poser mes doigts sur ce livre si blanc, couleur des 
fantômes. Je l’avais déjà lu,chaque fois que mes regards 
heurtèrent le ciel, la glace, le mur, des yeux stupides, 
toutes les surfaces unies. Il y a des heures trop tristes, 
d’autres trop exaltantes : tour à tour, les nuits gris-perle 
où l’on marche sur les routes en confiant sa vie à des 
inconnus, les noires qu’on traverse sans voir la fatigue, 
les matins clairs, sans raison, par simple tournure d’es 
prit, les jours froids et vifs comme des joues au grand 
air, il y a la lumière toute nue. Il y a un homme comme 
une boule dans un corridor qui roule et rebondit de 
l’ombre à la clarté. Il chante un air qu’on n’entend 
pas, sans doute un air de danse. Dans le sommeil, 
la fièvre ou l’ivresse, il sait écarquiller les paupières au 
moment que les autres perdent conscience. Sa lucidité 
à de pareilles profondeurs m’effraie. Il me fixe avec des 
yeux d’épouvantail. Ses bras s’agitent dans le vent, et 
sa voix, et lui-même, se perdent dans le murmure des 
arbres. 
L. A.
	        
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