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deux poètes. Lisez, devant une jeune fille, Roll» ou les Nuits,
les Fous de Cobb, sinon les portraits de Gwynplaine eide Dea,
ou le récit de Théramène d'Euripide, traduit en vers français
par Racine le père. Elle tressaille, fronce les sourcils, lève et
a baisse les mains, sans but déterminé, comme an homme qui
se noie ; les yeux jetteront des lueurs verdâtres. Lisez-lui la
Prière pour tous, de Victor Hugo. Les effets sont diamétra
lement opposés. Le genre d'électricité n'est plus te même. Elle
rit aux éclats, elle en demande davantage.
De Hugo, il ne restera que les poésies sur les enfants, où se
trouve beaucoup de mauvais.
Paul et Virginie choque nos aspirations les plus profondes
au bonheur. Autrefois, cet épisode qui broie du noir de la pre
mière à la dernière page, surtout le naufrage final, me faisait
grincer des dents. Je me roulais sur le tapis et donnais des coups
de pied à mon cheval en bois. La description de la douleur est
un conlre-sens. Il faut faire voir tout en beau. Si celte histoire
était racontée dans une simple biographie, je ne t'attaquerais
point. Elle change tout de suite de caractère. Le malheur devient
auguste par la volonté impénétrable de Dieu qui ta créa. Mais
l’homme ne doit pas créer le malheur dans ses livres. C’est ne
vouloir, à toutes forces, considérer qu'un seul côté des choses.
O hurleurs maniaques que vous êtes !
Ne reniez pas V immortalité de l’âme, la sagesse de Dieu, la
grandeur de la vie, l'ordre qui se manifeste dans l’univers, la
beauté corporelle, l'amour de la famille, le mariage, les insti
tutions sociales. Laissez de côté les écrivassiers funestes : Sand,
Balzac, Alexandre Dumas, Musset, Du Terrait, Féval, Flau
bert, Baudelaire, Leconte et la Grève des Forgerons !
Ne transmettez à ceux qui vous lisent que l’expérience qui se
dégage de la douleur, et qui n'est plus la douleur elle-même. Ne
pleurez pas en public.
Il faut savoir arracher des beautés littéraires jusque dans
le sein de la mort ; mais ces beautés n appartiendront pas d la
mort. La mort n’est ici que la cause occasionnelle. Ce n’est pas
le moyen, c’est le but, qui n’est pas elle.
Les vérités immuables et nécessaires, qui font la gloire des
nations, et que le doute s'efforce en vain d'ébranler, ont com
mencé depuis les âges. Ce sont des choses auxquelles on ne
devrait pas loucher. Ceux qui veulent faire de l'anarchie en