PARIS. IMPRIMERIE LEVÉ, RUE DE RENNES, 71.
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Socrate (Eloge de Socrate —promenade au bord de l’Ilissus —
mort de Socrate). Un petit orchestre sobre et net soutient les
voix.
La tendresse, le pathétique d’une déclamation qui n’est
que rythme et harmonie en dégagent vraiment cette musique
qui coule d’un esprit dans l’autre. Elle nous situe sur un plan
inconnu, sans bariolage, sans brouillard. Un rouage nouveau
déclanche chaque partie, un mouvement spécial qui l’anime
d’une vie particulière et la conduit dans un balancement sûr
et continu. Socrate va mourir : alors seulement l’accent
insiste, pèse, devient plus humain.
Satie, à Arcueil, assiste, avec le chœur bouleversé des dis
ciples, à une agonie sublime. Par-dessus le pittoresque et
l’habileté, usant de moyens ingénus et certains, il rejoint un
texte immortel.
— Ce monsieur dit :
« Une œuvre de Satie ! Je ne veux même pas la connaître.
Vague amateur, ses farces pouvaient nous amuser, jadis, une
minute. Mais je m’indigne de ce qu’aujourd’hui quelqu’un
puisse prendre au sérieux un tel musicien. »
Hélas, Monsieur, nous ne nous comprenons pas. Les calem
bours ne nous font plus sourire et notre jeunesse méprise les
farces. Mais nous ne pouvons qu’aimer Monsieur Satie déroulant
lentement, comme un émouvant exercice de piano, la chaîne
toute frémissante d’une fraîche clarté dont il accompagna
l’évangile de Platon.
GEORGES AURIC.
Le Gérant : Philippe SOUPAULT.