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LES ANIMAUX ET LEURS HOMMES
PREFACE
Qu’une force honnête nous revienne.
Quelques poètes, quelques constructeurs qui vécurent
jeunes nous l’avaient déjà enseigné.
Connaissons ce dont nous sommes capables.
La beauté ou la laideur ne nous paraissent pas nécessai
res. Nous nous sommes toujours autrement souciés de la
puissance ou de la grâce, de la douceur ou de la bruta
lité, de la simplicité ou du nombre.
La vanité qui pousse l’homme à déclarer ceci beau ou
laid, et à prendre parti, est à la base de l’erreur raffinée
de plusieurs époques littéraires, de leur exaltation senti
mentale et du désordre qui en résulta.
Essayons, c’est difficile, de rester absolument purs. Nous
nous apercevrons alors de tout ce qui nous lie.
Et le langage déplaisant qui suffit aux bavards, langage
aussi mort que les couronnes à nps fronts semblables,
réduisons-le, transformons-le en un langage charmant,
véritable, de commun échange entre nous.
Pour moi, rien ne me semble meilleur signe de cette
volonté que ce poème écrit depuis que je songe à cette
page d’ouverture :
SALON
Amour des fantaisies permises,
Du soleil,
Des citrons,
Du mimosa léger.
Clarté des moyens employés :
Vitre claire,
Patience
Et vase à transpercer.
Du soleil, des citrons, du mimosa léger
Au fort de la fragilité
Du verre qui contient
Cet or en boules,
Cet or qui roule.
PAUL ELUARD.