2
» » • . , , y
sens précis. Par lui nous avons convenu de désigner un certain automatisme psy
chique qui correspond assez bien à l’état de rêve, état qu’il est aujourd’hui fort dif
ficile de délimiter. Je m’excuse de faire intervenir ici une observation personnelle.
En 1919 mon attention s’était fixée sur les phrases plus ou moins partielles, qui, en
pleine solitude, à l’approche du sommeil, deviennent perceptibles pour l’esprit sans
qu’il soit possible de leur découvrir une détermination préalable. Ces phrases,
remarquablement imagées et d’une syntaxe parfaitement correcte, m’étaient appa-
0
rues comme des éléments poétiques de premier ordre. Je me bornai tout d’abord à
les retenir. C’est plus tard que Soupault et moi nous songeâmes à reproduire volon
tairement en nous l’état où elle se formaient. Il suffisait pour cela de faire abstrac
tion du monde extérieur et c’est ainsi qu’elles nous parvinrent deux mois durant,
de plus en plus nombreuses, se succédant bientôt sans intervalle avec une rapidité
telle que nous dûmes recourir à des abréviations pour les noter. « Les Champs
magnétiques » ne sont que la première application de cette découverte : chaque
chapitre n’avait d’autre raison de fi'nir que la fin du jour où il était entrepris et,
d’un chapitre à l’autre, seul le changement de vitesse ménageait des effets un peu
différents. Ce que j’en dis, sans préjudice de ridicule ou de réclame, tend surtout à
établir qu’en l’absence de toute intervention critique de notre part les jugements
auxquels nous nous exposions en publiant un tel livre a -priori tombaient à faux.
Nous n’en risquions pas moins^ en prêtant même malicieusement l’oreille à une
V.
autre voix que celle de notre inconscience, de compromettre dans son essence ce
murmure qui se suffit à lui-même et je pense que c’est ce qui arriva. Jamais plus
par la suite, où nous le fîmes sourdre avec le souci de le capter à des fins précises, il
ne nous entraîna bien loin. Et pourtant il avait été tel que nous n’attendons encore
de révélation que de lui. Je n’ai jamais cessé d’être persuadé que rien de ce qui se
dit ou se fait ne vaut hors de l’obéissance à cette dictée magique. Il y a là le secret
de l’attraction irrésistible qu’exercent certains êtres dont le seul intérêt est de
s’être un jour faits l’écho de ce qu’on est tenté de prendre pour la conscience uni
verselle, ou, si l’on préfère, d’avoir recueilli sans en pénétrer le sens à la rigueur,
quelques mots qui tombaient de la bouche d’ombre ».
De temps à autre il est vrai que je m’en réfère à un autre point de vue et cela
parce que selon moi tout l’effort de l’homme doit être appliqué à provoquer sans
cesse la précieuse confidence. Ce que nous pouvons faire est de nous porter au-
devant d’elle sans crainte de nous égarer. Bien fou qui l’ayant approchée un jour
se vante de la retenir. Elle n’a chance d’appartenir plusieurs fois qu’à ceux qui sont
rompus à la gymnastique mentale la plus complexe. Ces derniers s’appellent aujour
d’hui Picabia, Duchamp. Chaque fois qu’elle se présente, presque toujours de la
façon la plus inattendue, il s’agit donc de savoir la prendre sans espoir de retour,
en attachant une importance toute relative au mode d’introduction qu’elle a choisi
auprès de nous.
%
Pour en revenir au « surréalisme «j’étais arrivé ces derniers temps à penser que
l’incursion dans ce domaine d’éléments conscients le plaçant sous une volonté
humaine, littéraire, bien déterminée, le livrait à une exploitation de moins en