Volltext: Lits et ratures (4 (1922), 7)

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confusion d’hostie. Joseph frissonne aussi mais c’est la fièvre. Il prend trop de goût 
à certaines pratiques, ce garçon. Toute cette journée est consacrée à des préparatifs 
sanglants : la mobilisation générale, et de l’église au repas sous le platane ces 
images défendues dans la tête de Sullivan. Le soir habillé en boxeur apparaît 
debout sur l’horizon. On joue partout de la musique. Boris lit le faire-part de son 
ancien camarade australien. Il est pris d’une hilarité sans mesure. Ne ris pas si 
fort, jeune homme pâle, des dents luisent au coin des rues. Les ombres sortent de 
la mer. Elles passent sur le père Barney, ivre-mort. Tu ne te souviens de rien, 
vieux responsable ? Tu es comme Dieu, un peu oublieux, un peu gâteux. Mais ton 
fils fait un petit tour en ville pendant que sa femme se déshabille. Une idée 
comme ça. 
Pure coïncidence, il pense à Boris. Ça ne le fait pas rire, lui. Il s’enivre comme 
tout le monde, et il tourne dans sa cage, la ville. Des régiments passent l’oeil exta 
tique. Les pigeons voyageurs frappés au cœur de la nuit par les ondes hertziennes 
entrecroisées choient verticalement. A minuit les cuirassiers sortent de la Pépi 
nière. En attendant le jeune marié m’a l’air de ne plus savoir ce qu’il fait. Joseph 
le déserteur vient de débarquer en Espagne, car il ne sait pas que l’Espagne cette 
fois va promener des drapeaux et des uniformes dans les cafés, les égoûts et les 
champs labourés. 
Conception ne se doute de rien. Elle est bien un peu triste, mais elle caresse 
n’importe quoi pour passer le temps. Qu’il tarde Sullivan. Ce n’est pas tant qu’il 
tarde, mais il est en tête à tête avec son passé, le passé de son père et leurs instincts 
communs. Le vieil homme ronfle. Le jeune revient en griffant les murs.. Une 
ombre encore une ombre. Mon cher Joseph vous ici. Curieuse rencontre. Ils seront 
deux au retour, sous l’abri rouge des rideaux. Concepcion se tord à terre. Elle ne 
veut pas du tout, voyons. Ma bonne, un soir de mobilisation. Mais Sullivan. Sulli 
van pourquoi m’avoir épousée ? Il la force, il tire les cheveux noirs, il crie à travers 
la chambre. Joseph regarde. Il faut faire ce que j’aime. Il n’y a pas deux moyens de 
m’aimer. Tous les rois du monde apparaissent à la lueur des torches au bord du 
balcon des palais : « Nous sommes quelques-uns, dit Boris à ce compagnon taci 
turne, qui ne pouvons plus nous passer de cela. Le besoin frénétique des trottoirs 
et des surprises. Nous n’aimons que les ombres sans visage, les ombres douces du 
hasard. — Mais, dit le quidam, n’avez-vous jamais songé à prendre femme? » Cette 
nuit toutes les ombres sont là, appuyées au chambranle des ténèbres. Le fantôme 
des révolutions se dirige à petits pas vers l’extrême occident. 
Vous ma fille à cette heure? Mère, il n’y a pas de bonheur possible avec cet 
homme. Folle voulez-vous bien retourner chez notre cher Sullivan ou vous serez 
brûlée vive après votre mort. Les Espagnols ne se laissent pas faire : aux cris 
incompréhensibles des matelots se mêlent les clameurs du peuple armé. Les régi 
ments se jettent sur les maisons, les fenêtres crachent de la poix et il y a des coups 
de poing entre le ciel et nous. Concepcion à l’aventure. La voyez-vous. Un homme 
noir la prend dans ses bras. Trois, quatre étages. On croise des fusils et des piques. 
L’univers craque sur un lit. Pompons des draperies, pômpons mélancoliques. Le
	        
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