détenu
M. 43. 57 Z,
(Mémoires.)
«... Ma cellule était très étroite. Elle mesurait six mè
tres de long sur deux de large. Cela ne me gênait point,
habitué que j’étais à mener une vie enclose, sédentaire
et quasi de complète immobilité. Cela ne me rendait pas
malheureux. Mais ce qui me fit immensément seufîrir dès
le début et ce à quoi je ne pus jamais m’habituer par la
suite, c’étaient l’obscurité régnante et le manque d’air.
Comment vivre à l’ombre et loin de la lumière qui ouvre
et distend les pores et qui vous creusejcommeune caresse?
Une pauvre petite prise de lumière s’ouvrait au ras du
plafond, semblait coincée entre les pierres et ne laissait
filtrer qu’un pâle reflet, un tremblottant rayon, fade,
anémié, bleui, de la grande lumière du dehors. C’était
comme un glaçon avec une goutte d’eau trouble au bout.
Et c’est dans cette goutte d’eau que j’ai vécu dix ans,
comme un être au sang froid, comme un protée aveugle !
« Seules les nuits m’apportaient quelque soulagement.
La veilleuse au plafond brûlait jusqu’au petit jour. A
force de la fixer, elle devenait ^.énorme, éclatante,
éblouissante. Cette flamme vacillante m’aveuglait. Je
finissais par m’endormir...
« ...Il y avait aussi l’eau des water closets qui bouillon
nait à des intervalles réguliers dans les tuyaux. Ce bruit
emplissait toute ma cellule,[résonnait dans ma tête avec
fracas, comme une chute d’eau. Je voyais des montagnes.
Je respirais l’air des sapins. Je voyais une branche prise
entre deux pierres et qu’un remous faisait aller et venir.
Mais à la longue je m’habituai à ce dégorgement inat-