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il portait des grelots de danse à la boutonnière. Je suis donc le millimètre
pense-t-il pourquoi ne suis je pas le voyageur des tubes
à phrases pense-t-il pourquoi ne suis-je pas l’œil de locomotive en fête
do papiers pense-t-il pourqnoi ne suis-je pas le millimètre de cheval arabe pense-t-il et
quelques tranches de charbon je me balance symétrie et touche
avec l’aiguille le son des parois de la pagode.
A ces paroles l’Anglaise se mit à crier : Au violeur ! Au vio
leur! L’arbre voyageait incognito. Il se mit à table d’un air
fort embarrassé. L’Anglaise finissait sa journée dans des pâmoi
sons exacerbées, des flûtes indignées, des ultimatums à la vie,
des vivisections de voix. Personne ne fronça le sourcil sur son
plaisir. L’autre, celui dont je disais dans le chapitre précédent
qu’il avait une ombrelle à la place de la tête et ressemblait par
sa structure à un fauteuil (un vrai homme : vous placez dedans
n’importe quoi), chantait :
CHAQUE AMPOULE CONTIENT MON SYSTÈME NERVEUX
Soulève ta jupe et mords la scie — la scie de vinaigre souvenir et
pellicule d’os martelés à désespoir — vint le loup qui vola la broche agneau — son squelette
décore encore la poitrine lasse d’or des deux villages — et le
cerveau resta comme cœur du lac / que personne ne mange ne mange ne
mange n’embrasse n’embrasse n’embrasse n’embrasse ne croit ne croit ne juge
ne juge ne juge ne vole ne boit ne boit ne dissèque ne
dissèque ne dissèque.
Tristan TZARA.