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CINEMATOGRAPHE
Le film américain est le seul dont on puisse dire qu’il
soit une création. Il réalise un mode d’expression vraiment
neuf, tandis que les films européens ne sont que des adap
tations de vieux moyens littéraires ou dramatiques. Le seul
d’ailleurs, où, grâce à l’étendue des moyens mécaniques,
puissent se donner libre cours la fantaisie et l’imagination
le cinéma est devenu un élément prodigieusement actives qui caractérisent le génie améri
cain. Le cinéma américain ne s’est pas limité à une série
Le film n’est pas seulement évocateur d’une intrigue in- d’effets heureux. Son invention se renouvelle sans cesse,
dividuelle — Il évoque vraiment l’état psychique le plus
général d’un peuple — son génie propre — ses instincts
profonds — et là est sans doute la raison de l’autorité avec
laquelle il s’est imposé dans le monde.
Ainsi : le film italien nous entraîne en des complications inutiles ou des pantomimes dont le spectateur se trouve
forcé de combler l’imprécision par un travail de déduction
intérieure. L’intrigue avance par une succession de faits à
signification directe. Coups de poing, baisers, chutes, cour
ses. Le paysage même n’est pas un décor passif. L’écran
le reproduit sous tous ses aspects : ensemble, détail, de
près, de loin, à l’endroit, à l’envers. Cette succession s’ins-
l’intérêt de l’intrigue. Le film italien est celui dont la lec- crit dans la mémoire sous une forme vibrante. L’unité de
ture est la plus difficile. Comment ne point comprendre l’œuvre se soutient par la marche simultanée de tous les
l’absurdité de faire parler longuement des personnages personnages, si bien que, si compliquée soit l’intrigue, si
dont on voit remuer les lèvres sans entendre les paroles nombreux soient les acteurs, le film se suit sans effort, cap-
qu’ils prononcent ? L’influence du film italien est néfaste tivant l’esprit qui court de l’un à l’autre, saute du grotes-
sur le cinéma en général et tout à fait contraire au génie que au tendre, du sport à l’amour, tendu dans une intensi-
cinématographique. L’intérêt qu’il peut imposer à la foule té contenue d’intérêt et d’attention,
vient de ce qu’il flatte ses médiocres aspirations pour la
sentimentalité vulgaire, pour le toc, le clinquant— matériel
et spirituel — le lieu commun, la déclamation.
Parce qu’il s’adapte aux esprits les plus divers, aux êtres
de toutes les classes et de toutes les civilisations
et agit
sur tous directement par la simplicité de ses moyens ex
pressifs ; parce qu’il exprime aussi, avec une force et une
clarté que n’a obtenues aucune autre forme d’art, les
aptitudes sentimentales et actives caractéristiques des peu
ples et des races
essentiel de la vie moderne.
Les éléments les plus disparates de la vie moderne y trou
vent leur place et, souvent, une place inattendue, ce qui
est une des raisons de sa puissance comique. Le film,
avant tout, est actif, et ne languit pas en des représentations
amoureuses outrées, tragiques et banales. Les héros, tou
jours personnages des classes opulentes, errent, en des
attitudes rares et imprécises, parmi des décors somptueux:
palais, jardins, majordomes, autos, toilettes de luxe, effets
spécialement heureux du point de vue photographique, où
se retrouve le goût italien pour la virtuosité, et où s’éteint
Il faut dire aussi que le charme du cinéma américain
s’augmente «d’aller au cinéma» en Amérique. La salle, les
spectateurs si proches des héros, l’intervention brutale du
Le film Scandinave est empreint de préoccupations mora- «faiseur de bruits» qui imite la mer ou le moteur d’aéro-
les et humanitaires, de cas de concience où se débattent des plane, surtout l’orchestre rudimentaire à base de tambour
personnages descendants directs des héros d’Ibsen — il est
long, difficile à suivre —sans grand effet cinématique. Mais
sa sobriété repose de l’éxubérante virtuosité italienne.
Le film espagnol, très inférieur encore au film italien,
n’a même pas l’attrait de la virtuosité. Il se déroule lente-
et le rythme continu du ragtime, dont la pression et la
dépression stimulent l’effet visuel, forment une ambiance
légèrement engourdissante, où l’esprit se dégage plus faci
lement des impressions externes et s’adapte plus intégrale
ment à l’écran lumineux, source de son plaisir.
J’ajoute que le cinéma américain me parait depuis quel
ques années subir de fâcheuses influences européennes
et que déjà s’y infiltrent des éléments
ment, plus obscur et tragique, et n’offre même point l’inté
rêt secondaire de la belle photographie. Intrigues sombres,
touffues, où des personnages soumis à des sorts lamenta
bles, on ne sait par quelle fatalité, meurent pour des
amours inavoués, ou par des empoisonnements lents, s’ex
priment faiblement en des poses de terreur, d’angoisse, des
grimaces de désespoir, où se retrouvent quelques vestiges
de ce que devait être l’état d’esprit au temps de l’inquisi
tion. L’ennui en est la caractéristique.
J’ai vu une seule fois un film suisse. Absence totale de
virtuosité photographique. Pas de trucs, pas d’effets de luxe
ni de toilette. Une histoire policière sans intrigue
où ne figuraient que des hommes grands, laids, larges d’é
paules. Problème posé et se résolvant peu à peu avec une
logique si simple que le plaisir de comprendre finissait par
l’emporter sur le manque d’attrait visuel choquant au début.
Le film français est souvent spirituel et bien composé,
mais manque d’envergure. Il a pris ses meilleurs effets
film américain et sait les placer au bon moment. Il restreint
ses sujets et ne cherche point à faire d’innovation. Varia
tions sur un thème gaulois. Adaptation de romans poli
ciers. Il se lit clairement,
italiennes surtout
de décadence et d’impureté.
Vers quelle destinée s’orientera-t-il?
Gabriele Buffet.
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