I
DE NOS ENVOYES SPECIAUX
Mécénat. Un tableau acquis pour cent dollars fut revendu
pour mille à son auteur, deux jours après, par les soins de
M. Stieglitz lui-même, qui sut trouver les mots qui versent
l’heroïsme au cœur de l’acheteur.
—M. Varèse va partout prétendant avoir terminé l’orches
tration de sa Danse du Robinet froid.
Nous ne présenterons pas a nos lecteurs des deux hémisphè
res les envoyés spéciaux que «3Qi» a déchaînés sur cette pla
nète.
Ils sont, depuis quelque temps déjà, parvenus a destination.
Et l’on a parlé d’eux dans les grandes capitales d'Europe et
d'outre-atlantique, soit qu’ils y aient fait la conquête immé
diate de l’esprit public, soit que les Polices de tous Ordres
aient dû les accabler de leurs soins. Dans tous les cas, nous
sommes persuadés qu’ils surent faire asse^ de bruit pour ne
passer nulle part inaperçus.
Nous dirons donc seulement en quels moment et lieu nous
les rencontrâmes.
Ce Jut à Madrid, le jour de la Chandeleur, devant la cage
de ce tigre paralytique, mais royal, immortalisé par Marie
L en des vers justement fameux.
Nous les reconnûmes aussitôt pour de purs enfants d'Abra
ham. Non qu'ils se distinguassent par aucune particularité
de leur costume. (Ils étaient vêtus, comme tout le monde, de
dépouilles d'animaux sauvages ou domestiques, d’extraits vé
gétaux, et parés de maladies d’huîtres). Nous les identifiâmes
plutôt grâce à un certain esprit que leurs premières paroles
nons révélèrent.
Une dame a l'allure américano-polonaise, qui ressemblait
étonnamment à Gabriel B , prononça, sur un ton de mani
feste enjouement :
— Mouvement d'andante et ton mineur, telle est cette bête...
—Carburateur encrassé, bielles espagnoles (avides d'huile)
et bougie défectueuse, ajouta Francis P qui semblait re
garder la pointe de l’angle aigu qui le suit partout.
—Bouillon d’os et blaireau sentant la colle, objecta Otho L
en crispant ses pieds.
—Mais je voudrais bien savoir à quoi servent ces mousta
ches, interrogea Olga Z dont les yeux ronds et bleus clairs
s’arrondirent et se bleuclarifièrent encore.
—Quel con, proféra Arthur C
Un inconnu prenait des notes.
Le directeur de «3Qi» s’avoua vaincu. Des engagements
somptueux Jurent scellés le soir même.
El, le lendemain matin, munis des sacrements ojjiciels ainsi
que de tout ce qu’il faut pour écrire, nos envoyés spéciaux se
dirigèrent allègrement vers leurs centres respectifs d infor
mation et d’action. Ceci sans aventures d'aucune sorte, sauf
pour le plus fort de nos collaborateurs, Arthur C , qui,
partant pour l'Amérique, se fit coffrer, durant quelques jours,
à Bilbao, sous l’ignominieuse inculpation d’émission d’idées
fausses. Pharamousse.
N. B.—Texte inédit du télégramme envoyé par notre ami,
enfin rendu à la liberté des mers, a son épouse ayant rejoint
Paris : Adieu d’Espagne, sois pure. Arthur.
PARIS
Il n’est question que de Barcelone.
Non pas seulement à cause de «391 » qui s'y publie. Mais
aussi, mais surtout, parce qu’une importante exposition s’y
prépare. A Montparnasse, Montmartre, Passy et Vaugirard
sévit la fièvre des jours d'intrigues mémorables. Les bruits
les plus contradictoires circulent. La Potonde est transformée
en Bourse des Valeurs potinières. Les cours sont extraordinai
rement variables.
L’esprit d’Abraham sera-t-il ou ne sera-t-il pas représenté
â l’exposition de Barcelone? Tel est le dilemme. Et l’on dis
cute. Et l’on s'excite. Sans en sortir jamais.
Les artistes espagnols ont invité tous les artistes de natio
nalité française. Et l’on se bat dans l’antichambre.
— Erik Satie, Pablo Picasso, et Jean Cocteau partent pour
Rome.
BARCELONE
• • •
Il n’est question que de Paris.
A peine remis de ses récents triomphes littéraires et guer
riers, verrons-nous ici Guillaume Apollinaire? Plusieurs le
désirent. Mais le Dieu des Armées abandonnera-t-il son lieu
tenant? Saint Max Jacob, priez pour nous
On s’est aussi battu dans la salle à manger.
Comme tout état policé, l’Espagne compte un certain
nombre d’artistes officiels, directement intéressés au bon équi
libre du budget des beaux-arts. Les dépenses extraordinaires
prévues pour cette année furent, pour ces messieurs, un légi
time sujet d’inquiétude. On qualifia d’excessive l’hospitalité
offerte. Et l’on prétendit restreindre le nombre des couverts
puisqu’il n’était plus temps de refermer la porte.
Qui sauva la situation, sinon les artistes non-officiels, par
mi lesquels sont les fils d'Abraham? Il y aurait quelque in
justice à l’oublier.
, définitif.
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HAIPHONG
Le propriétaire du Restaurant Chinois du boulevard Mont
parnasse est de retour en son pays natal. Il y consacrera ses
capitaux et ses vieux jours à la fondation et gérance d’un
Cabaret Montmartrois.
NEW-YORK
Intéressante conférence de M. de Zayas, au Columbia, sur
l’humour yankee. Cette conférence, première du genre, fut
sans paroles et singulièrement démonstrative, néanmoins.
Nous sommes autorisés à en publier l’approximatif schéma.
La scène représente une promenade publique. Ormes et banc.
Un matelot, qu’accompa
tement semblable à lui-/
cour et vient prendre pla/ce sur le banc. Homme et manne
quin portent sous le bras/ droit le national béret bleu à rayures
concentriques blanches.* Après quelques instants de réflexion
profonde, le matelot se\- ... __ lève et sort par le côté jar
din, abandonnant son / " " compagnon extatique. Un
monsieur passe qui, pre nant pour cible le national bé
ret bleu à rayures con"l|frwi centriques blanches, tire un
coup de revolver. Le F J compagnon extatique ne bron
che pas, cependant q u e C—le gentleman nerveux le
crible de balles. Le monsieur sort enfin parle côté jardin et
le matelot rentre par le côté cour. Le compagnon extatique
disparaît dans les frises. Le matelot s’assied et le gentleman
revient, accompagné d’une dame. — Prenant pour cible le
national béret bleu a rayures blanches concentriques, il vise
et va faire feu. Mais le matelot se lève. Swing et direct, cro
chet à la mâchoire. Le monsieur tombe et la dame s’évanouit.
Le matelot sort en esquissant une petite gigue.
Rideau.
La solennité prit fin sur une lumineuse présentation, par
M. de Zayas lui-même, du dernier état de la caricature po
litique. Un admirable masque canaque fut apporté. EtM.de
Zayas l’adorna de moustaches dites en crocs.
— Une fructueuse opération vient d’être accomplie par
M. Stieglitz, laquelle révèle une conception toute neuve du
GENÈVE
—Romain Rolland publie son intention de renier prochai
nement Adam, nonobstant les oppositions réunies de Guil-
beaux et de Thiesson.
—Selon une information de source peu sûre, Benjamin et
Félix Valloton se rallieraient aux doctrines et pratiques d’E-
picure.
^ gne un mannequin exac-
% même, entre par le. côté
METIS CITY
Ville infortunée. Toutes les sources sont corrompues. L’air
même impur. L’œil du ciel miteux. Les monuments publics
ont été construits avec les matériaux de démolitions venus
des quatre points de l’univers. L’hispano-mauresque est en
foncé. Il y a des paratonnerres sur les temples grecs. Et des
automobiles traînés par des ânes. 11 y a une tour Eiffel en
carton pâte. Et un mannekenpiss en acier chromé. Il y a des
enfants de trois ans qui succombent à la neurasthénie. Et
des hommes de trente ans qui jouent à la poupée. Des pein
tres qui jouent au Michel-Ange et des peintres qui jouent
au Matisse.
On a célébré en grande pompe, dans la basilique, les ob
sèques de M. Carolus-Duran et de M. Octave Mirbeau.
Des fumées d’opium figuraient l’encens obligatoire. Et les
orgues jouaient la Cavatine d’Aïda, comme à Saint-Pierre
de Rome.
On procède actuellement à l’élection de l’Alcade. Nous di
rons bientôt le nom de l’élu, des candidats, et des grands
électeurs.
Paraît deux fois par mois. Le numéro : 0’ 6 0. Abonnement, un an : 12’0 0.
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Ce numéro, tiré a 500 exemplaires, dont dix de luxe repris à
a été imprimé par Oliva de Vilanova, Casanova, 169, Barcelone. Exemplaire
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la main (10’0 0),
N.° 391