Full text: Les feuilles libres (4(1922), avril-mai = No. 26)

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MAX JACOB 
tours pointues dans les vallées du Jet et de la Tille? un orchestre et 
des avant-scènes! S’asseoir à deux, Manon! à ta « petite table »! Ah! 
s’endormir, Lakmé, sous ton (( doux regard voilé ». Et la nuit, l’œil 
des fenêtres qui lutte contre le clair de lune poursuit encore la chimère. 
Certains Guichantois veulent un théâtre et n’ont même plus de café- 
concert! Quel beau sujet de poème! on y verrait un homme arracher 
au terrain Bouchaballe le secret de la houille et brandir, seul contre tous, 
un caillou déjà vainqueur! des vieillards refuser un asile que le clergé 
et la noblesse leur proposent, un ministre intervenir dans les destinées 
d’un maire. Quel beau poème, si M. Jules Romains m’eût autorisé à 
l’écrire; mais je ne suis, dit-il, qu’un chroniqueur. Dresser la chronique 
de Guichen pendant le siège de la chimère, telle sera mon humble ambi 
tion. Libre à vous de donner le titre de roman à cet ouvrage. 
Sons possibles des choses que seul le musicien entend et qu’il exprime 
pour la commodité des Guichantois; vos interférences aussi compli 
quées avant d’être tamisées par une cervelle sont, après ce travail, 
presque nécessaires à l’entretien de la vie. Mais si le besoin de musique 
est physique chez l’enfant qui exige une trompette ou le paysan qui 
rit d’aise au phonographe, celle des sphères ne fait, du moins en appa 
rence, qu’aux orgueilleux dilettanti guichantois l’honneur de s’enre 
gistrer par l’intermédiaire de Gaëtan Donizetti dans le répertoire de 
leurs cellules nerveuses. Bercés par la Marche Funèbre, de Chopin, 
tout simplement, les gamins enveloppent l’orphéon municipal sorti de 
l’auberge Pétion. Ne méjugeons pas un tel public! Les dames aux 
angles indomptés, qui suivent l’orphéon le dimanche après-midi ne sont 
pas celles qui s’entretiendront de Wagner au kiosque militaire, alors 
que les dernières voitures rentrent du Lesnard, allumées sous les arbres; 
mais le chat de M. Lécuel le caresse du dos quand il joue de la flûte le 
dimanche et le mimosa de son jardin ferme alors ses feuilles pour 
s’endormir; or M. Lécuel ne joue que des sonates et la moindre sonate 
vaut mille Sigurd, n’est-ce pas, Monsieur Lécuel ? Eh quoi, j’ose com 
parer le public du kiosque militaire à celui du pédestre orphéon? 
Certes l’un boit autant d’apéritifs que l’autre, mais où celui-ci discute
	        
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