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ANDRÉ LHOTE
moyens d’expression cubiste. — Dualisme ? Non : il fut
un temps : 1911-12-13-14 où l’inspiration cubiste était moins
courte qu aujourd’hui. Légèrement teinté de futurisme,
le mouvement novateur d'alors, auquel je coopérais,
recherchait les spectacles animés. Il ne craignait pas de
« raconter » — et que peuvent craindre des artistes qui se
sentent jeunes et pleins de forces créatrices ?
Les ports, avec leurs voiles qui se mélangent aux
façades des maisons ; les fêtes foraines et leurs tournoie
ments métalliques ; Paris, ses toits, ses ponts et sa Tour-
Eiffel, étaient les sujets préférés de ces peintres épris de
mouvement.
La vision du commun des hommes qui est successive,
qui inventorie, qui dénombre, qui additionne sans cesse,
sans s’arrêter à la somme convenable, leur paraissait im
propre à dresser une image véridique d'un spectacle.
Dans un port, par exemple, l'échelonnement successif des
bateaux et des maisons, ou cliché panoramique, devait le
céder à cette architecture légère de fumées, de mats, de
nuages et de cordages qui s'en détache lorsque le regard,
impatient de tout voir, relie simultanément tous les élé
ments épars en une gerbe expressive. Le but visé par le
peintre n'était pas de dresser un inventaire d'objets éche
lonnés, qu'une vision fragmentaire et méticuleuse perçoit,
mais de donner l'équivalent plastique de la poésie que
dégage un ensemble de formes vivantes. Les grues qui
tournent, les drapeaux qui claquent, les fumées qui mon
tent, les voiles qui se gonflent, voilà un spectacle qui mérite
autre chose qu'un dessin académique, exact et glacé. Une
cristallisation de formes simples, coupée par endroits,
un chevauchement de plans différemment historiés, recou
verts de tons légers, essayaient de donner du sujet mul
tiple et mouvant une représentation dynamique. Un