Volltext: L'art contemporain (3)

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P. 
P. 
C. 
Vous m’avez prié de situer la personnalité de 
. Picasso par rapport à l’art contemporain. D’au 
tres que moi me semblent plus compétents pour 
répondre à votre questionnaire. Les écrivains- 
laquais, les fournisseurs habituels du maître se 
raient tout disposés à saisir une occasion propice 
pour entonner un hymne à sa gloire. Pourquoi ne 
pas solliciter leur collaboration? 
Picasso m’apparaît tout d’abord comme un 
ine d’esprit alexandrin. Il représente aux 
yeux de l’opinion publique la jeunesse éternelle. 
style nouveaux. Ce maniérisme, ce modem style 
plastique conviennent parfaitement à une généra 
tion de dilettantes, de versificateurs, de brillants 
essayistes qui confondent volontiers poésie et gra 
phologie. Escamoteur, prestigiditateur, mais pion 
nier avant tout, Picasso représente le génie 
subversif qui échappe aux classifications, qui brise 
tous les cadres, qui transgresse toutes les normes. 
Martyr et Prométhée, ce révolté rachète les fautes 
du genre humain. Son art n’est-il pas une œuvre 
de rédemption? 
phénom 
man 
lassitude et de sénilité. 
Picasso l’homme-phénix est le pourvoyeur d’une 
époque amorale, frelatée et avide de sensations 
violentes. Cette époque éprise de Giovinezza, car 
incapable d’être jeune, se flatte aujourd’hui de 
prendre conscience 
meme 
réalise, au 
m 
m 
vention. Elle paie l’aman à ceux qui lui pro 
ses morts sucessives et ses ré 
surrections n’évoquent-elles pas le cas de Notre 
Seigneur? 
Le mythe de Picasso est lié étroitement à la lé 
gende dorée de la Place Ravignan. Qu’il fasse le 
beau, qu’il nargue, du moins en apparence, un 
public fait à son exacte mesure, ou qu’il menace 
de nous dynamiter, Picasso conserve intacts ses 
titres et ses prérogatives d’augure et du grand ini 
tié. 
(Le problème Picasso tourne tout entier autour 
de cette fable incongrue de Messie, d’homme élu, 
d’envoyé du destin.) 
Une société, une civilisation, vouées à la mort, à 
diguent une pâture adéquate à ses vils besoins. Elle la décrépitude, se raccrochent à un art qui a perdu 
son centre de gravité. Picasso, ce génie isolé, 
ce météore, qui crève un ciel sans tâches, est 
pratique volontiers l’éclectisme et le polythéisme. 
Après avoir nié le principe même de dieu, elle 
adore les idoles. Epoque femelle, passive, elle 
épuise, peu à peu, ses ressources, ses riches- que incapable d’atteindre à l’archétype et de con- 
image 
ses. Mais elle refuse d’accepter le non-être. Elle 
se drogue, elle se dope. Picasso est son peintre. 
Que dis-je? Il est sa chose. C’est un homme 
libre. Il ne connaît ni frein, ni contrainte, ni 
retenue. Il n’a pas de scrupules. Il s’exprime 
pleinement, intégralement. Cette liberté qui passe 
pour une vertu, est un préjugé primaire et roman 
tique, tout comme le préjugé de la révolution con 
tinue, permanente. L’homme fort avance lente 
ment et prudemment. Il parfait ses moyens, il les 
intériorise. Il ne sème pas au vent, sa sève trop 
abondante. Fécondité n’est pas synonyme de puis- 
cevoir un canon absolu. La liberté de M. Picasso 
est une sinistre duperie. Cette liberté voulue 
et préconçue, mais conquise sans efforts et sans 
difficulté est un 
libertinage. Si 
Picasso 
laisse entrer en franchise dans le corps de son 
œuvre les plus récents articles de poésie (et s’il 
les restitue dotés d’un sens plus pur) s’il suffit à 
toutes les inquiétudes, s’il étanche tous les cœurs 
mal d’évasion ou de sublimation 
isme 
sance. 
Picasso et son temps 
la danse, Pi 
casso et Einstein (lisez : la théorie de la relativi 
té), Picasso et la guerre, Picasso et la philosophie! 
Tels sont les thèmes variés et multiformes que je 
propose à la méditation des scribes picassolâtres. 
Or, qu’est-ce que Picasso? Un symptôme du gé 
nie fin-de-siècle toujours vivace et actuel, du sa- 
non-conformisme qui devient un 
tanisme et du 
de 
poncif, e un goût immodéré du symbolisme, 
l’écriture artiste, comme disaient les Goncourt. 
Ce penchant pour le choix des procédés poétiques 
équivoques, digne des poètes maudits, de la rime 
difficile et de l’épithète rare est aisément masqué 
par un vocabulaire, par un répertoire et par un 
nous, demeure-t-il l’axe et la pierre angulaire de 
la peinture, message de l’intelligence, vision de 
l’univers? Je ne nie pas que Picasso le fut. L’est-il 
encore? J’en doute. Le serait-il que cette place 
si enviable, à son gré, d’animateur, de chef, ne 
prouverait pas grand’chose. M. Picasso est beau 
coup trop rivé à l’époque dont il est l’attribut et le 
faible, le débile, mais l’honnête porte-parole, pour 
avoir le sens de ce qui est humain, de ce qui est- 
éternel, pour viser à l’universalité. Peintre de la 
vie moderne, il l’est, dans son domaine, comme le 
furent dans le leur tels grands artistes de genre. 
Au lieu d’être une construction de l’esprit, son 
œuvre peint est un documentaire. Picasso, astre 
de toute première grandeur, n’est peut-être qu’une 
étoile filante. 
WALDEMAR GEORGE
	        
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