ADMINISTRATIE EN VERTEGENWOORDIGING VOOR HOLLAND: „DE STIJL“ LEIDEN.
PARIS: LIBRAIRIE „SIX“ 5 AV: DE LOWENDAL PARIS 7e
MANIFESTE A L’HULLE
La Chimie est une science cloporte et s’avance avec la vi
tesse d’un myriapode. Les artistes qui colonisent cette
science comme les prêtres poètes qui colonisent le hasard
en ont tiré des résultats merveilleux. C’est ainsi qu’on dé
couvrit le rôle du fer, du calcium, d’arsenic, du zinc dans
l’organisme humain et leur nécessité. Et l’on attend de
découvrir la même nécessité pour des corps nouveaux.
Afin de faire durer le plaisir plus longtemps on les exhume
peu à peu avec de grands cris réligieux. Mais il est un
corps auquel on ne pensait pas et qui prit le part de s’isoler
lui-même des vieilles chaires fades et musiciennes: c’est
DADA, le dada qui spontanément au contact de l’air humide
et sentimental se transforme en acide dadaique, et ne laisse
après lui qu’un petit résidu noir et une fumée bleuâtre.
DADA a toujours existé, on le lui reproche assez. Mais
qui le savait? et qui donc aujourd’hui le sait? DADA est
plus terrible que vous ne pensez. Vous le posez sur l’eau,
et il tourne en rond avec une flamme qui pétille. Et vous
commencez à rire en venant vers lui, vers ce joli jeu. Vous
amis de DADA, vous êtes sans danger. Nous sommes
notre propre danger. C’est pourquoi dans les magazins de
parfumerie ou de bijouterie nous jetons des pierres et bri
sons les glaces qui renvoient notre image.
DADA n’est plus un jeu. 11 n’y a plus de jeu nulle part. II
n’y aura plus de jeu nulle part, mais une terreur sans nom
devant tout ce qui est pourri, devant ce qui crânait encore
et que DADA a détruit et détruira, devant la couche de
cendre où subsiste comme souvenir les dents noircis qui
ont chiqué les mots à sonnettes, les airs clair de lune et
w
les hosties lavabo. 11 y a un moment du jeu où l’on joue
à ne pas jouer, et où cela finit mal. C’est maintenant.
II faut que la rue pour vous soit triste en sortant. Et qu’il
n’y ait plus de consolation au fond de votre estomac.
DADA est un cancer, et donne le cancer. Il détruit le
fonctionnement des spécialités et fait bourgeonner les cellules
indifférantes avec une effrayante rapidité. Il faut que vous
ayez la connaissance de votre mal. L’air que les vents
allizés du printemps vous envoient est dur et froid comme
du fer. La société et ces charmes sont morts. Et réfugiés
dans votre lit vous savez que vous avez un cancer du
cœur, un énorme cancer de votre cœur devenu éponge
jusqu’aux talons et qui presse sans le battre un sang hideux
et fétide comme le jus d’une mare à purin ou se vautre en
core un cochon commercial.
Mais DADA connaît la choréographie et la manière de s’en
servir.
Pour s’amuser il vous raccole. Et avant de faire avec vous
le simulacre de l’amour, il jette dans la poêle des tranches
de cactus. Et soudain jaillit une éfflorescence de serpent du
Mexique et d’étranges gloxinias en celluloïd que l’on vous
sert frits. Et les larmes de la lune tombent dans des cornets
à piston qui vous préparent le café. Et phonographe du
Puytren attend votre petit cri de la fin. Car il faudra bien
que vous m’aimiez au travers du cancer de votre cœur, au
travers du cancer que je vous aurai donné.
GEORGES RIBEMONT-DESSAIGNES
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