puscules, levers de lune) redevient pictural — repasse de la
carte postale au tableau de musee, y menage je ne sais quelle
incroyable fantasmagorie, quel presage d’apocalypse — un flux
d’emeraudes et de saphyrs, un retour des celebres couleges d’or,
une profusion de topazes et de tourmalines, mais chargeges d'une
lumigre qu'on croyait eEteinte depuis des siecles.
Comme resplendissent soudain dans la galerie de monstres
composee par ce solitaire qu'on tient pour mysogine, l'Imma-
culee Conception et quelques-unes de ses sceurs cadettes,
Marthe, Veronique, ou la fillette de Domremy, ainsi cette inno-
cence souveraine 6clate dans notre cataclysme, domine notre
terre endeuillee, nos carcasses desolees, nos maisons reduites
en cabanes, nos arbres carbonises. La nature la plus tenebreuse
s’illumine. — Ah! comme l’autre, elle n'est pas radicalement
pourrie ! Elle n'est que blessee, lesee !
I] aura ainsi suffi & Rouault du classique firmament de !Ile-
de-France, pour garder un sourire dans ses vivisections. Il Iui
aura suffi d’un acces ä cette immensite pour atteindre une autre
transcendance, aspirer ä une grandeur plus sublime, plus inde-
fectible et qui debordait la conscience meme du peintre. Et si ce
vieillard, qui n'a certes pas manque d’angoisse devant le Reel,
s’arrete aujourd'’hui & contempler, aussi eperdument qu'un en-
fant, une etoile du soir, c’est qu'il a de quoi trouver en elle, non
une allegoire desuete ou une distraction quelconque, mais un
symbole, tout frais et tout ineffable, de l’Esperance qu'il recüt
de cette croix qui troua jadis un horizon de Proche Orient.
Qui a une fois apprehende ]l’Absolu, peut le rejoindre par
tout le relatif et de toute chose faire un signe.
Abbe Maurice Morel
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