Volltext: Juan Gris - du 2 au 26 avril : Fernand Léger, du 30 avril au 25 mai

Une Conference de Juan Gris 
Mesdames, Messieurs, Or, on peut considérer cet objet de multiples manières. 
Cee Ainsi une table peut être considérée par une ménagère 
En soumettant à votre appréciation, ces quelques dans un but plus ou moins utilitaire. Un menuisier remar- 
réflexions sur la peinture que'ma profession m'a suggérées, quera la façon dont elle est faite et la qualité du bois 
j'ai surtout trois craintes : | employé à sa fabrication. Un poète, un mauvais poète 
Celle de vous ennuyer en disant des choses que vous imaginera tout autour le bonheur du foyer, etc... 
connaissez déjà, celle de ne pas être clair dans mes expres- Pour un peintre, elle sera tout simplement un ensemble 
sions et celle de toucher de trop près à mon travail car des formes plates colorées. Et j’insiste sur les formes 
je pense que de son métier personnel il ne faut parler plates, car considérer ces formes dans un monde espacial, 
qu'avec la plus prudente réserve ou mieux encore n’en serait plutôt l'affaire d’un sculpteur. 
pas parler du tout. er ; Donc, chaque objet peut offrir des aspects professionnels 
Pour plus de clarté dans cet exposé, j'ai donné un ordre très variés. : 
à toutes ces réflexions et pour cela j'ai choisi un commen- Mais, il y a en plus des aspects professionnels quelque 
cement : chose que nous pourrions appeler l’idée première des 
Pour faire de la peinture il faut connaître les possibilités objets. Cette idée ou notion est en dehors des professions 
de ta peinture. et des LET scientifiques. C’est quelquefois même une 
; . cet . ; erreur héréditaire. 
un Con mee in clou mais "avec du fer, + On ne fait pas Scientifiquement, toutes les lignes verticales sont 
J'ai le regret de ] tredi LO .. convergentes vers le centre d’attraction terrestre, humai- 
gret de le contredire, mais je crois justement nement, elles sont parallèles 
le contraire. > en ox ; 
. + 1212 Malgré ses aspects différents, la table dont j'ai parlé 
On fait surtout un clou avec un clou, car si l'idée de la tout à l'heure est la même idée de table pour la ménagère, 
possibilité du clou n’était pas préalable, on risquerait le menuisier et le poète. Ce n’est que les éléments qu’ils 
fort, avec la matière employée de fabriquer un marteau en tirent qui out différents q q 
ou un fer à friser. 1 : ARE nat . . 
Il ne suffit pas de prendre des toiles, des brosses et des Or, pourquoi vouloir qu’un peintre tire de cet objet 
couleurs pour faire de la peinture. On fera un paysage, 
une femme nue, des casseroles qui brillent, des triangles 
ou des carrés, on ne fera pas de la peinture si l’idée de pr “ru - 
peinture n'existe pas à priori. 04 + IN, = 
Il faut donc tâcher de savoir en quoi consiste la pein- Fe dy 
ture et quelle est sa source. = Ec 
Tout le monde connaît cet état de contemplation devant 7 
un spectacle, qui fait la fierté du bourgeois en promenade 
dominicale ou du commis voyageur dans un train. 
Nous pouvons distinguer trois grandes catégories de 
contemplateurs : ; = 
Première catégorie. — Ceux dont l’état émotif est le ag + 
même devant un spectacle naturel ou industriel et un . Tuo! 
spectacle dû à l’art. - 
Deuxième catégorie. — Ceux dont l’émotion est intense A 
devant une manifestation de l’art. = 
Et troisième catégorie : Len. 
Ceux qui peuvent ressentir cette même émotion intense = - 
devant un spectacle naturel ou industriel aussi bien que N 
devant une manifestation artistique. 
Cette troisieme categorie de spectateurs ressent donc 1 € 1 
devant un spectacle existant en dehors de l’art, une I JE wt 
émotion semblable à celle qu’éprouverait un spectateur = + = 
de la deuxième catégorie devant un fait artistique. WE Co ER 
Or, comme le spectacle n’est pas changé en lui-même, a. ELA 
c’est le spectateur qui l’a modifié pendant sa contempla- à 24 $f à 14 
tion. my, 3 55 
Pour me servir d’une image, je dirai qu’un spectacle est >» fi. = FA a 
comparable à un jeu de cartes. les cartes sont les élé- Ve wee oA 
ments dont le spectacle est composé. . N " 
Celui qui a été ému devant ce spectacle, c’est parce kr Coa 0 “yy, So 
qu’il a modifié pour lui la disposition de ces cartes, de ces % ih wo ge? oor 
éléments. Sans les abolir, sans les changer, il leur a donné is Jd 
un nouvel assemblage. Il a mélangé les cartes et les a Rh Æ 
aperçues présentées d’une façon nouvelle. | 9° "\d 3 
Evidemment, pour qu’une émotion soit picturale, il > A A, 
faut qu’elle soit provoquée par un ensemble d’éléments JE 
picturaux, c’est-à-dire qui appartiennent au monde de la ä pr 
peinture. Car tout spectacle, même ceux dûs à l’art, 
peuvent être considérés dans les mondes différents. 
Un objet devient spectacle aussitôt qu’il y a un spec- 
tateur pour le considérer. JUAN GRIS, NATURE MORTE, 1914.
	        
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