E. LAUGIER
L’œuvre de Fernand Léger constituera un des dit ; mais toujours, à la base, la nature, de laquelle
témoignages les plus évidents de la profonde révo- s’organise une frange timide d’apport et de créations
lution qui s’est accomplie dans la peinture au début purement humaines.
du XXe siecle. Révolution véritable ; je le pense, et Or, brusquement, en quelques années, et c’est là
je le dis. D’autres époques ont brillé d’un vif éclat la mutation qui déplace le centre de gravité des
parce qu’elles ont vu se manifester des peintres conceptions picturales, il apparaît aux esprits que
doués de tempéraments puissants et originaux. c’est cette frange d’apport et de créations humaines
Mais l’apport des quarante dernières années est qui est l'essentiel de l’œuvre d’art ; que le tableau
autrement riche, autrement fécond. Autrement lourd peut et doit être une pure invention du peintre ;
d’avenir ; il est constitué par l’apparition d’une une synthèse aussi complexe et ordonnée que pos-
conception nouvelle sible, d’éléments pla-
des buts même de stiques purs : une
la peinture, concep- organisation intelli-
tion nouvelle, qu’une = , gente, équilibrée, de
série de peintres par- Si | lignes et d’arabes-
ticulièrement doués A + ques, de surfaces et
et ayant une intel- | NM ve w de représentations de
ligence particulière- | § KR volumes ; de couleurs
ment lucide des ob- MM Me Ee Hi iia et de valeurs; sans
Jectifs et des moyens ee on a 1 . que cette œuvre soit
de leur art, ont éla- Je pan - + . , tenue de reproduire
borée lentement, ont a È fidèlement quelque
exposée avec clarté er W ; realite naturelle,
et ont imposée à un À comme une sonate
public étendu, mais, Cok _ r ou une symphonie
sans doute encore [€ À — sont des organisa-
limité. H F 24 tions de rythmes, de
Ici, les historiens M ki . = lignes mélodiques,
auront leur mot à Wi vi * 4 . d’intervalles, de tim-
dire. Ils signaleront TN By | À bres, ou d'accords,
que l’on peut trouver NS # PF M0 sans qu’elles soient
des correspondances À pi. AK — = astreintes à quelque
avec le cubisme dans i gs“ Rehr aw harmonie imitative
Ingres, que les re- ne + } = + dh de quelque ordre que
cherches de dessin © fo a. ce soit. Et du coup,
synthétique de Léo- È NE 7 tout une école, ces-
nard de Vinci ne sont 2. wr sant de copier, de
point sans parenté SL - traduire ou d’inter-
avec les inquiétudes oo préter avec timidité,
constructives des AE Lal devient créatrice
peintres modernes, OMS, d’un monde plasti-
etc., etc... Ils n’ont OK ed ‘i Bp > que, fruit de sa sen-
point tort, car un = WE Zur A , sibilité et de son ima
mouvement même HN FE ? g gination et qu’elle
explosif, a toujours a, BF a ordonne en des har-
quelques racines dans 2 ue: 8 monies condition.
le passé et il ne se- eT TE il - nées par les structu-
rait sans doute pas res spirituelles logi-
impossibledetrouver 1918. LE moreuRr. Cl. L. Rosenberg. ques de l’homme.
dans les dessins des Si l’on peut s’éton-
grottes préhistoriques, quelques indices des préoceu- ner de quelque chose, c’est qu’une telle concep-
pations actuelles. N’empêche que, au début de ce tion des buts de la peinture n’ait été clairement
siècle, une mutation brusque s’est produite dans les énoncée que de nos jours.
conceptions des peintres ; la grosse majorité des Pourquoi un tel retard, alors que tant d’autres
peintres de talent, s’est trouvée animée de préoc- arts, ou, tant d’autres activités humaines, se sont
cupations nouvelles et, en quelques années, les buts depuis si longtemps, évadées de l’imitation pour
assignés à l’œuvre picturale ont été transposés. aborder la création véritable?
Cézanne, Matisse, Picasso, Braque, Léger. Demande-t-on à la science de reproduire la
Quelle est donc l’essence de cette rénovation foudre? Elle analyse les lois de l’électricité et
brusque? Initialement, primitivement, le peintre construit des tramways électriques ou des sta-
essaye de reproduire sur la toile, quelque spectacle tions de T. S. F. Confinera-t-on la thérapeutique
naturel, qui l’a touché, un coucher de soleil qui l’a dans les voies primitives de la recherche des
ému, un document pris sur le vif, dont les éléments plantes médicinales naturelles? Assurément non ;
lui ont paru avoir une efficacité méritant d’être elle a d’abord utilisé les infusions de digitale; puis
fixée et transmise. elle en a extrait l’élément thérapeutique efficace
Travail à base de sélection photographique, auquel (digitaline). Puis elle construit des potions synthé-
se surajoute une certaine part plus ou moins grande, tiques, qui n’ont pas d’équivalent naturel et qui
suivant le tempérament du peintre, d’interprétation, combinent en exaltant leur efficacité, les éléments
de traduction ; l’homme ajouté à la nature, a-t-on thérapeutiques purs. Il y a longtemps que l’art