Beilage zum illustrierten Ausstellungskatalog
Bonnard / Vuillard, Kunsthaus Zürich 1932.
PIERRE BONNARD
La première fois que j’ai vu Pierre Bonnard, c’était dans son loge
ment du boulevard des Batignolles. Accaparé par un marchand qui lui
faisait signer des reproductions en couleurs de ses œuvres, le peintre
se prêtait d’assez mauvaise grâce au petit manège de la signature (il
avait l’air d’un écolier attelé à un pensum). Comme je regardais aux
murs des natures mortes éclatantes, le marchand partit précipitamment
en serrant sous son bras un portefeuille bourré de planches. Et Bonnard
vint à moi; il me raconta son enfance à Fontenay-aux-Roses où il est
né en 1867, sa jeunesse d’étudiant en droit lorsqu’il peignait en cachette
de son père, son stage à l’Académie Jullian avec des compagnons qui
s’appellaient Vuillard, Maurice Denis, Sérusier, son enthousiasme pour
Gauguin, Lautrec et les Japonais, et comment, à vingt trois ans, il dé
buta au Salon des Indépendants en exposant quatre panneaux peints
à la colle.
Je le revis à un de ces bals que donnaient à Paris les artistes pen
dant l’époque d’or qui vient de s’achever, un bal polonais, je crois, où
l’on voyait danser toute la haute couture. Picasso assistait à la soirée,
et, avec lui, Bonnard, affable, très abordable, sans détours.
Ma troisième entrevue avec Bonnard date de quelques jours. J’ai
revu cet homme d’aspect malingre, aux cheveux rares et grisonnants,
au cou chétif, aux yeux brillants et tendres derrière les lunettes, avec
ce grain de beauté vers la tempe, au bout du sourcil gauche. Comme il
est toujours vêtu de sombre, comme il porte un col empesé et une cra
vate noire, ayant adopté ce mépris parisien pour tout effet de costume,
rien dans une foule ne pourrait faire remarquer Pierre Bonnard si ce
n’est, peut être, ce quelque chose de nuancé, de très intimement humain,
qui émane de sa personne. Je me suis rappelé avoir vu un portrait de
Bonnard — son visage aux yeux enfoncés, son nez fin, ses lèvres persi
fleuses — dans un tableau que Vallotton a peint en 1903 et qui repré
sente un groupe d’artistes. C’est un Bonnard de trente trois ans que
l’on voit de profil, la barbe en pointe, le nez chaussé de lorgnons, com
plètement effacé devant un énorme Charles Cottet qui trône, les mains
sur les cuisses et le sourire impérial (comme toujours dans ces sortes
de tableaux c’est dans le personnage le plus caché qu’il faut chercher
le grand homme!).
Il avait fait du feu dans son atelier de la rue Tourlaque, un atelier
très simple, dont le mobilier se compose d’une table, d’une armoire et
d’un paravent, décoré aux temps de la Revue blanche, la revue sym
boliste dont Bonnard dessina la couverture. En choisissant quelques
dessins pour l’exposition de Zurich, nous avons repassé les étapes de
sa vie artistique: le temps du Moulin de la Galette, des affiches, des