Volltext: Ausstellung Pierre Bonnard, Edouard Vuillard

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séquence d’un vœu, un serment fait à quelqu’un de très cher? «Dites- 
moi pourquoi?» Il devient gêné, contemple le bout de sa chaussure, 
se redresse: «Non, je ne peux pas». 
Impossible de s’expliquer cette opposition entre ce refus de parler, 
cette résolution de ne pas m’accueillir avec plus de simplicité et ce phy 
sique de brave homme à qui l’on voudrait offrir un cigare. Après tout, 
c’est peut être à moi qu’il en veut. Je le lui demande sans barguigner; 
«Oh! non, répondit-il aussitôt, ne prenez pas ça pour une offense per 
sonnelle, je vous connais, mais je ne puis rien vous dire». 
Pour le coup, me voilà empêtré. Je sens qu’il ne faut plus insister. 
Alors je m’excuse platement fct je dis à Vuillard que c’est la première 
fois qu’un peintre met ainsi un mur entre lui et moi, que je ne le com 
prends pas, que je ne me serais jamais permis de venir le voir si je n’eusse 
pensé que ses amis avaient arrangé cette entrevue. Et je prends congé 
sur le pas de la porte. 
« C’est le bourgeois dans toute sa rigeur, me dis-je en dévalant l’es 
calier, mécontent de moi et de cette résistance systématique rencon 
trée chez Vuillard. (Degas était parait-il comme cela et qu’y a-t-il- 
au fond de plus bourgeois, que Degas?), c’est le bourgeois français». 
Pas tout à fait, répond une voix tout au fond de moi, pas tout à fait. 
Pourtant, ce tapis sur l’escalier, ces portes cirées, le petit manège du 
chapeau et le portefeuille de cuir sur le bahut! C’est à n’y rien com 
prendre. 
Vuillard prenait tout à coup une attitude insoupçonnée, un carac 
tère surprenant. Après tout, pensai-je, il ne veut pas qu’on l’ennuie, il 
s’est toujours refusé à parler de lui. Pourtant ce n’est point là pure mo 
destie; dans son cas, il y a plus de prétention à rester sous sa tente qu’à 
se montrer au grand jour. 
En sortant, je me retrouve place Vintimille. C’est un de ces squares 
de Paris qui ont tout le charme de la province avec, au centre, un petit 
jardin entouré de réverbères; où se dresse, dans la sévérité du bronze, 
la statue de Berlioz, un Berlioz de commande, un Berlioz accoudé à un 
pupitre sur lequel est couchée la partition de la Damnation de Faust. 
Je regarde l’immeuble que je viens de quitter; mes yeux s’arrêtent 
au troisième étage, celui qui est occupé par Edouard Vuillard. Le peintre 
va-t-il sortir, ou le portefeuille et le chapeau étaient-ils là comme des 
accessoires de comédie? La fenêtre est grande ouverte. Derrière le bal 
con en fer forgé, sur une table resplendit un grand bouquet de fleurs 
blanches. La maison a cet aspect vaguement baroque et très confor 
table des maisons bourgeoises qui essaient de se donner des airs de patri 
ciennes. 
Sous le ciel plombé où le soleil se cache, des enfants battent l’air 
de leurs petites mains. Mon regard se pose de nouveau à la fenêtre de 
Vuillard: Est-il possible de faire tant d’histoires quand on a du talent, 
quand on fait comme lui des bouquets de couleurs dans l’intimité des 
chambres? 
Je me rappelle un portrait de Vuillard par lui-même, à 25 ans; il 
est blond, le front dégarni, les cheveux jetés derrière l’oreille, avec quel-
	        
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