n’a pas trouvé en elle-même de raison d’être assez puissante,
de nécessité assez impérieuse pour conditionner et régir, indé
pendamment de tout autres conditions extérieures, son exten
sion. Le champ très varié et difficultueux offert, de par la
nature, à cette extension paraissait exclure toute recherche
d’unité architecturale. Mais ajoutez à cela le fait que Lausanne
a été constamment distaite d’elle même par la vue qui a agi sur
elle comme un aimant, éparpillant ses maisons au gré des pentes
ensoleillées qui s’inclinent vers le miroir du lac.
Le romand pratique, en matière de logement, l’individualisme,
ou, du moins, il aime à le croire, et cet individualisme s’est mani
festé malheureusement, à Lausanne, plutôt négativement, par
opposition à l’ordre que commandait l’individualité supérieure
de la cité. Le Lausannois qui ne peut faire montre d’une origi
nalité, trop souvent d’emprunt, dans la villa, préfère se re
trancher dans l’anonymat de la maison locative. L’individua
lisme discipliné qui s’affirme par l’effort collectif qui groupe
les maisons familiales d’une cité-jardin lui est intimément
étranger et hostile.
La part de la commune ou des entreprises d’intérêt commun,
coopératives ou autres, a été presque nulle et est encore très
restreinte dans la construction des logements.
Le long des rues tortueuses qui montent à l’assaut des collines
qu’occupe la vieille ville, les maisons se serrent et se font face.
Le long des avenues nouvelles qui serpentent au flanc de ces
mêmes collines, les maisons de la ville moderne s’espacent, mai
sons locatives ou villas, indifférentes les unes aux autres, ou
vrant le plus de fenêtres possible sur le lac, comme des specta
teurs aux places qu’ils ont payées sur les gradins d’un amphi
théâtre.
On cherche en vain, dans tout un quartier neuf, un ensemble
architectural caractéristique qui marque un centre, quelque-
chose qui ressemble à une place ou même à une rue. Les rares
édifices publics ne sont pas mis en valeur; des églises s’alignent
comme les maisons, et leurs clochers se perdent dans la forêt
de tourelles dont se hérissent les demeures bourgeoises.
Si, au moins, le passant pouvait repaître ses yeux du paysage;