ne voulait plus. La croix de Bavière est à Ornans, c’est le père du peintre
qui la porte avec son ruban bleu et rose . . . au fond de sa poche, avec
son couteau de vigneron, ses clés, de la ficelle.
Avant d’aborder la dernière phase très pénible de la vie de Courbet,
nous allons extraire de notre portefeuille un papier inédit, relatant
une scène divertissante dont il fut le héros.
En ce temps là, il y avait à Ornans deux sociétés de musique rivales,
la Fanfare et la Chorale, dont les éléments étaient dénommés fanfarons
et choraux. Or, un jour de liesse, la Chorale donnait un grand concert,
avec le concours des virtuoses de la Franche-Comté, sous la direction
de son président-fondateur, Urbain Cuenot, ami intime de Gustave.
Concert triomphal. Les exécutants ne purent sortir avant dix heures
et demie du soir. Ils n’avaient pris qu’un repas sommaire dans la
journée afin d’être bien en forme, se réservant pour le dîner qui leur
était offert. Les tables étaient prêtes à recevoir les convives affamés
et assoiffés, le drapeau en velours de la Chorale, avec ses nombreuses
médailles, resplendissait à la muraille dans un cadre de verdure. Les
officiers culinaires attendaient le signal. Tout à coup, l’hôtelière,
Mme Paillot, surgit effarée, se porte au devant de Courbet, membre
honoraire de la Chorale, et lui dit: «Tout est perdu! M. le Commissaire
de police, investi d’ordres supérieurs, m’a défendu de servir votre
dîner, sous peine de voir mon hôtel fermé demain.»
«Comment? Allons chez le commissaire!»
Celui-ci répond sèchement qu’il a un ordre à exécuter, et que le
privilège de manger ce soir à l’hôtel susdit était uniquement reservé
aux fanfarons.
Mme Paillot pleurait à chaudes larmes. Toutes les supplications
furent inutiles, la pauvre femme était à la merci de l’autorité. Courbet
«boit» l’obstacle, il propose aux amis de faire le dîner dans son atelier
qui est à cinq cents mètres de la ville. Hourra!
Chemin faisant, un aubergiste est hélé, réveillé, et, requis de pré-
parer un repas de quatre vingts couverts. Bigre! On lui donnera un
coup de main. Des hommes de bonnes volonté vont chercher une
charrette. D’autres suivent l’hôtelier dans la cave et en sortent un
tonneau de vin de Vuillafans et une feuillette de bière de Salins.
Deux chanteurs de la Chorale s’empatent d’une énorme marmite,
assez semblable à une chaudière de fromagerie, et l’emportent ainsi
sur l’épaule au moyen d’un manche à balai. Enfin, on va réveiller les
boulangers. les bouchers, les charcutiers, et en route pour l’atelier
situé en pleine campagne.
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