Full text: Conference sur Courbet

La troupe chantait: Ah! ça commence bien! 
À ce festin, 
Il ne manquera rien! 
Des caisses à tableaux et des planches: voilà des tables! Du dehors, 
affluent gigots, pâtés, lièvres, jambons et confiseries. Tous étaient 
occupés, la plupart épluchaient des chaînes d’oignons en vue d’une 
pantagruélique soupe au fromage, quand un cri se fit entendre: 
«La police est à la porte!» Nom d’une pipe! C’était vrai; trois agents 
rôdaient autour de la maison. Trois vigoureux lurons munis d’une 
lanterne s’élancent à leur poursuite, en criant «à l’eau, la police!» 
Quand les chasseurs revinrent, l’on se mit à table avec appétit, et le 
dîner dura jusqu’au matin. Courbet qui avait une jolie voix chanta 
ses chansons champêtres, dont il composait la musique en même temps 
que les paroles. Il faut ajouter à l’honneur de l’Administration fran- 
çaise que le trop zélé commissaire fut déplacé sur l’ordre de M. le 
Préfet du Doubs. 
Cette anecdote, mieux que des commentaires, éclaire la figure de 
Courbet. Sans morgue, ni fierté, au milieu de ses amis, il aimait les 
fêtes au village. À Paris, c’était un autre homme. On a exagété d’ail- 
leurs son originalité, on l’a en quelque sorte modelé sur un type 
d’original qui n’était pas le sien. Ce grand peintre qui jamais, nous 
insistons, jamais ne se laissa influencer par personne, en art, se jette 
à corps perdu dans la politique active. 
Pouvait-il éviter ce guêpier? Songea-t-il un instant qu’il se four- 
voyait, étant peintre avant tout, par dessus tout. Lui, qui négligeait 
la conversation, à la brasserie, pour couvrir d’arabesques la surface 
d’une table de chêne avec son index trempé de bière mousseuse. Sa 
sincérité était entière. Opposant résolu à l’Empire, ayant refusé publi- 
quement commandes et distinctions du pouvoit, il ne devait pas sans 
égoïsme ou lâcheté se retirer de la bataille. Malheureusement son 
éloquence et son habileté, son savoir, étaient cantonnés dans la pein- 
ture. On se servit de son nom très populaire comme d’un drapeau. 
Il devint le point de mire de ses adversaires, une meute: les envieux, 
les jaloux, les impuissants, et les autres; les timorés qui le laissèrent 
s’engager seul, et l’abandonnèrent au moment des difficultés. 
Elu Président de la fédération des artistes, c’est-à-dire Directeur 
des beaux-arts, le 4 septembre 1870, Courbet veille à la conservation 
des musées nationaux, et adresse, le 14 septembre, une pétition au 
gouvernement de la Défense nationale, pour demander — car il y avait 
de l’orage dans l’air - le «déboulonnement» de la colonne de la place 
Vendôme, à Paris. L’année suivante, sous la Commune, un décret 
du 12 avril 1871, prescrit la démolition de la colonne, juste avant 
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