nous aidèrent à faire l’autopsie du personnage, avant que nous puis-
sions atteindre le tréfonds, aller à la découverte de l’œuvre.
Le livre de Georges Riat, publié en 1906, malgré des erreurs et des
oublis inévitables, reste précieux. Cet auteur a puisé beaucoup de
documents dans les cartons de Me Juliette Courbet, sœur de l’artiste,
son héritière. Nous avons fréquenté chez Mlle Courbet au soir de sa
vie. Elle est morte en 1915. Son caractère, très original, nous inter-
disait de lui poser certaines questions. Devait-elle tout dire° Pouvait-on
sans l’offenser, ou la chagriner, se prononcer ouvertement pour la
vérité historique? Puisque l’histoire a des droits, nous avons voulu
connaître les origines, les ascendants, la famille du maître d’Ornans,
ses maîtresses, ses modèles, ses amis, ses collaborateurs . . . En un mot,
tous ceux qui, de près ou de loin, furent mêlés à ses luttes, à ses succès,
à ses déboires, et qu’on doit retrouver naturellement dans l’histoire
de sa vie. D’autres étais nous furent indispensables: les lettres auto-
graphes du peintre et de ses correspondants, les papiers de famille,
papiers de la succession, compte-rendus des procès. Enfin, les photo-
graphies de ses tableaux, les catalogues d’exposition et de vente,
annotés prudemment. Pour compléter cet arsenal, nous avons pris
des notes sur le vif, cherchant en tous lieux les traces de son passage
en France — depuis la maison natale, et le grenier du grand-père
Oudot, aux Iles-basses, où fut peint Un Enterrement à Ornans —, en
Allemagne, en Belgique, en Suisse. Notre but? Dresser l’inventaire
de cet œuvre considérable, afin que chaque peinture, chaque étude,
chaque dessin, gravure ou lithographie ait une sorte d’état civil.
Une exposition comme celle que nous inaugurons aujourd’hui, la
mieux ordonnée, la plus complète qu’il nous ait été donné de voit,
est à la fois une manifestation éclatante et utile. Elle nous permet
d’escorter Courbet dès ses débuts, dès son enfance même, jusqu’à
ses derniers moments. Le gouvernement français l’a bien compris,
ainsi que les grands musées de Paris, des provinces de France, les
collectionneurs aussi, tous en prêtant ces chefs-d’œuvre ont senti,
croyez-le, que nous avions une dette de reconnaissance inacquittée.
Il nous plaît, en la circonstance, de rendre hommage au désintéresse-
ment du peintre Charles Montag, l’apôtre de l’art français en Suisse,
dont on connaît, depuis longtemps d’ailleurs, les brillants états de
service. Charles Montag est le principal artisan de cette exposition
comme il fut, l’an passé, l’animateur de l’exposition Corot, aidé par
M. John Brown, encore un de vos compatriotes éclairé et de goût
pertinent.