doute n’est possible, elle se sent outragée dans ce roman à scandale.
De tempérament explosif, Mme Colet déchaîne sa fureur contre un
livre affichant et contre l’auteur qu’elle n’a pas cessé d’aimer.
Louise Colet, aux yeux noirs, nez retroussé, a été représentée par
Courbet, debout, cravache à la main, vue jusqu’aux genoux, sur un
fond de paysage. Elle a une attitude résignée de jolie provinciale
délaissée. Emma dans la campagne, attendant son cheval qui broute
le feuillage, près du petit étang où l’a entratnée Rodolphe .
La Bovary de Flaubert, Zes Fleurs du mal, du satanique Baudelaire,
s’épanouissent aux devantures des libraires, en 18s7. Et, voici Courbet
qui sort ses Demoiselles des bords de la Seine, au Salon, la même année:
c’est un comble! Ces «nouveautés» ont une publicité tapageuse. Deux
fortes filles, des cocodettes, sont mollement étendues sur l’herbe.
On daube sur Courbet et ses «demoiselles», sans se préoccuper de la
qualité du tableau. On s’entend mieux devant Ja Curée, chasse au che-
vreuil dans les forêts du grand Jura, la Biche forcée à la neige, le Combat de
cerfs, qui gagnent à Courbet des partisans. Les nouvelles générations
prêtes naturellement à adopter les théories et pratiques récentes,
étaient attentives aux démonstrations du peintre.
L’année 1861 allait finir. On apprit avec stupeur dans le monde
artistique — ce fut comme une traînée de poudre -, que des élèves
de l’Ecole Impériale des beaux-arts se révoltaient contre leurs pro-
fesseurs, ne jurant que par Courbet, et avaient décidé formellement
de lui demander des conseils. Flatté, le maître d’Ornans ouvre un
atelier, fait amener un bœuf qui pose sur une estrade devant quarante
disciples. L’enseignement se réduit à peu près à ceci: «Ne fais pas ce
que je fais. - Tu ferais ce que fit Raphaël autrefois, tu n’aurais aucune
existence. Suicide. - Fais ce que tu vois et ce que tu sens, ce que tu
voudras.»
Courbet disait encore: «Il ne peut y avoir d’écoles. L'art est con-
temporain; une époque n’est comprise et ne peut être reproduite
que par ses propres artistes. La peinture est la représentation des
objets visibles. - Le beau est dans la nature, sous les formes les plus
diverses.»
Tous ces jeunes gens de l’atelier Courbet étaient enchantés, est-il
besoin de le dire, de tant de simplicité mise au service de l’art» Cepen-
dant le travail et surtout le don s’imposent nécessairement avec de
tels préceptes. Le maître ne corrigeait pas, c’était aux élèves de se
corriger eux-mêmes. Jadis, quand il étudiait dans les ateliers libres,
d’après le modèle vivant aux poses conventionnelles, il ne compliquait
pas les choses: du papier gris épais préparé à l’huile, de la couleur au
kilo. Dès qu’il avait obtenu ses tons fondamentaux pour la lumière,
la demi-teinte et l’ombre, il disposait sur le haut de sa palette les
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