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Bravo!
s’écrie Arp, et il a bien raison : il suffisait donc d’ouvrir la porte, de
provoquer le vide; rien n’y légitimait ces bornes auxquelles l’homme rai
sonnable avait astreint sa conscience.
S’ouvrit donc la plus féconde des périodes dont pas un instant ne s’est
passé sans que Arp ne transcrive, par ses sculptures, ses dessins ou ses
poèmes, quelqu’une de ces métamorphoses où l’univers situe son vrai
visage, multiple et insituable.
Cette gymnastique du poète, si difficile d’apparence à ceux qui se la
refusent, est finalement la plus simple. Elle n’exige qu’une éthique de
la souplesse, que cette passivité absolue de la feuille qui dessine le vent,
de l’eau qui dessine la terre. Elle est proprement naturelle. Ainsi les
poèmes de Arp peuvent être tous valables, valables jusqu’à la plus brutale
évidence, parce qu’en toute situation fabuleuse, il est à son aise. Il dit
que l’homme est un tout petit point, que la pierre a plus de cheveux,
plus de têtes, plus de maisons, et plus d’oiseaux que lui, et que cela
est bien. Et le septième jour, il s’assied, pour déchirer le dessin et en
recoller les morceaux, autrement, afin d’obtenir une autre vérité, car
dans l’invraisemblable seul résident ses certitudes.
Au subjectivisme de l’homme, Arp a substitué le subjectivisme du monde.
La conscience, par lui, devient un gant subtil au siège de l’air.
Creux comme un œuf.
Savoir au delà d’apprendre
Savoir, et apprendre au milieu comme une groseille
Mangez ce livre et jetez-vous dans l’air.
alain gheerbrant, paris, décembre 1945.