M me Walter pénétra clans le salon ; Louise suivait ; Edmond
ferma la porte. Anna saisit une revue: « Me ferez-vous le plaisir,
dit Edmond, de m’apprendre ce que vous lisez ? — Je lis VŒuf
Dur, répondit Anna d’une voix aiguë. » Louise et M me Walter
se regardèrent tristement. Edmond hocha la tête : encore des
révolutionnaires. «Parfaitement, des gens vicieux. Ils cherchent
quelque chose. — Vous n’aimez pas les gens qui cherchent quel
que chose, vous. » M me Walter prit son crochet ; Louise joua en
sourdine Rêve Napolitain. Edmond mania négligemment la
chaîne d’or de sa montre : « J’ignore tout de la littérature : je
suis un travailleur ; moi, je poursuis le mauvais esprit partout où
je le soupçonne ; on se contente de ce qui est, ce n’est point
dans l’anarchie qu’on édifie des fortunes stables ». « Vous avez
raison, dit Anna». « Je suis heureux qu’une fois vous me rendiez
justice ». « Oui, je vous méprise. » Louise joua plus fort son
Rêve Napolitain. M me Walter remonta son binocle qui glissait
sur son nez. Edmond étendit les bras : « Vous nous désespérez
tous. » « Tant mieux, dit gravement Anna, mais la paix viendra
quand je vous aurai quitté pour le trottoir. » Louise rougit.
« Anna, vous nous choquez », interrompit Edmond. « Si nous
faisions le thé, proposa M me Walter. » Anna se plongea la tête
dans les mains, puis se leva, courut attraper sa sœur par la taille,
cria : « Ce qu’on s’amuse, ma sœur ; faisons le thé : ce sera le
comble, et regardant Edmond, c’est trop beau, cette vie-là, ça
ne pourra pas durer. »
Le Gérant : Jean ALBERT-WEIL.
Imprimerie Alençonnaise, 11, Rue des Marcheiies. — Aiençou