L’ŒUF DUR
LOUIS ARAGON
Poème de sang et d’amour
A Max Ernst.
Comme l’autobus U tournait le coin
De la rue du Cherche-Midi et du Boulevard Raspail
Pour éviter les travaux qui barraient sa route normale
Un inconnu s’élança sur le marchepied
Traversa la plateforme et les secondes
Entra dans les premières et s’assit disant à haute voix
Vous tous qui m’écoutez mon nom est Désespoir
Elle avait mis un mot sur la cheminée
Une épingle double et un petit beurre
Mes amis sont partis en riant tout le long de l’année
Amour ô faux semblant je n’écoute plus sonner l’heure
Leurre leurre
Un homme tatoué qui l’entendait maudire
Lui proposa deux bagues volées pour cinquante francs
Je vous coupe une vitre avec çà Tu veux rire
Ce n’est pas le moment de plaisanter de Dieu
Il achetades cartes postales obscènes ets’en futdansunparc
Là chantaient des oiseaux et jouaient des enfants
Les gardeuses rêvaient en brodant sur leurs chaises
Il regarda ses femmes nues et s’assit à l’écart
Ses regards égarés aussitôt s’enflammèrent
Pensées de l’homme seul étranges filles mères
Grandes cloches sonnez les masturbations
Votre orchestre perdu saigne dans la verdure
Où les baisers trahis gémissent doucement
En vain comme la mer langue tu te retires
Caresses du passé belles au bois dormant