« De même le temps n’existe pas en lui-même, mais c’est des événe
ments eux-mêmes que découle le sentiment de ce qui s’est accompli dans
le passé, de ce qui est présent, de ce qui viendra par la suite ; et per
sonne, il faut le reconnaître, n’a le sentiment du temps en soi, considéré
en dehors du mouvement des choses et de leur repos.
« Enfin lorsque l’on dit « la fille de Tyndare est enlevée, les peuples
Troyens sont soumis par les armes )), prenons garde qu’on n’aille par là
nous forcer à reconnaître que ces événements sont doués d’une existence
propre, puisque les générations d’hommes, dont ils furent des accidents,
ont été depuis longtemps emportées par l’irrévocable passé. Car il n’y a
pas d’événement accompli qui ne puisse être qualifié d’accident, soit
des générations, soit des régions mêmes qui l’ont vu se produire. Enfin,
sans la matière qui forme les corps, sans l’étendue et l’espace où toutes
choses s’accomplissent, jamais le feu d’amour inspiré par la beauté de
la fille de Tyndare n’eût gagné le cœur du Phrygien Paris, ni allumé
les combats fameux de cette guerre furieuse ; jamais le cheval de bois
n’eût enfanté dans la nuit, à l’insu des Troyens, tous ces fils de Grecs
pour porter l’incendie dans Pergame. D’où il apparaît bien clairement
que les événements accomplis sans exception n’ont pas d’existence propre
comme la matière, qu’ils n’existent pas non plus à la manière du vide, mais