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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
vrai qu’il était minuit : c’est l’heure où un
gentleman a le droit de ne plus être tout
à fait sobre.
» Plus de six mois, me dit-il, se sont pas
sés après que mon nouveau voisin de cam
pagne, sir Richard Ashver, se fut porté
acquéreur de la propriété qui touche à la
mienne, sans que je me pusse douter de
l’extraordinaire et passionnant romantisme
du personnage que le hasard avait placé
près de moi. Sir Richard menait l’existence
discrètement fière et confortable de tous
les gentlemen anglais dignes de ce nom.
Son estate, d’une étendue analogue à ce
lui que je possède, ne comporte pas beau
coup plus d’un millier d’acres, cinq cents
de vos hectares français, ce qui n’est rien
en Angleterre : un homme à son aise, et
qui prétend à une certaine surface, à une
certaine tenue, enfin au respect de ses con
citoyens ne saurait se contenter à moins.
D’ailleurs milles murailles, nulle clôture,
pas plus que chez moi : les terres d’un