Volltext: Les feuilles libres (4(1922), avril-mai = No. 26)

114 BLAISE CENDRARS 
bées, il eut rejoint les autres et en quelques bousculades il les eut dis 
persés. Puis il se campa en plein sous le gaz et le dévisagea goguenard... 
Il tressaillit. 
Il le reconnaissait bien. C’était le vieux vagabond des taudis et des 
bouges : le Mécontentement. C’est lui qui étranglait, sinistre, les jeunes 
espoirs; c’est lui qui par son approche effarouchait la ronde des jeunes 
pensées; c’est lui qui, à coups de matraque, lui balafrait le front de 
rides. Puis, après l’avoir à moitié assommé, il le menait boire chez sa 
compagne, la Paresse, la gouge échevelée, à l’auberge du Remords. 
Une fois là, il avait peine à en sortir, car on y lippait franc et en libre 
truandaille. Envie, la ribaude, Doute, l’aigrefin, racontaient les esclan 
dres faits en ville; le Découragement pinçait une vieille guitare et chan 
tait, épuisé, de vulgaires romances; la Rage, taciturne, suçait son verre, 
son œil louche fixé sur ses mains maigres ; la Fatigue, éreintée, courait 
autour des tables et servait les clients. Parfois, des escarpes entraient se 
rafraîchir, le Crime, le Suicide, et ressortaient. L’Infamie se levait, on 
poussait les tables, et au milieu des injures et des obscénités, on dansait. 
Lui, auprès de Mécontentement, payait des bouteilles et dépoitraillait 
les filles; parfois même se levait et dansait avec la Brute. 
Mais, ouiche, aujourd’hui, il n’était pas d’humeur à lui céder. Il 
s’approcha du vieux vireloque et, lui tapant sur l’épaule : « Tiens, 
v’ià cent sous. Va boire le chnique avec tes garces. » Il y avait une telle 
énergie dans son regard que l’autre s’en alla, bougon... 
... Il était maintenant très calme. Il croyait avoir pris une grande 
résolution, mais ne savait ni quand, ni comment. Il fit des efforts pour 
comprendre. Il ne savait rien. 
Son cœur était maintenant très pur. Son front serein. Son cœur 
battait régulièrement. Et, accompagnant ce bruit, dans son cerveau, une 
idée chantonnait à mi-voix : « Travailler — écrire — tout de suite — 
sans retard — régulièrement. Travailler. » 
Il sourit. Il était presque heureux. 
C’est ainsi que des hauts et des bas, des humeurs changeantes, se 
suivaient, dans son esprit; ce qu’en allemand on dit « Stimmungen ».
	        
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