L'heure est aux groupes. Voici le groupe « Témoignage » de Lyon. Ecœurés
de médiocrité réaliste, du « ronron douillet », les peintres qui forment cette équipe
ont franchi la brèche ouverte par le cubisme et le surréalisme. L’art, pour eux,
est un témoignage de leur conscience. L’un cherche l’expression picturale pure:
Thomas ; l’autre exprime le drame : Bertholle ; celui-ci la féerie : Pernin ; ceux-là
le mysticusme : les fresquistes Idoux et Lenormand.
L’inquiétude, le mal du siècle, a dévoré Roger Chastel, André Marchand qui
interroge désormars le visage humain avec une belle avidité ; Francis Grüber,
dont le désespoir fut tour à tour contenu ou pathétique. Les enquêtes se poursuivent.
Tantôt sous l’angle de la peinture pure: Gustave Singier, Charles Lapicque.
Manessier. Tantôt sous l’angle du sujet: Jacques Despierre, Raymond Moisset.
Marc Saint-Saens.
La peinture continue. Tal Coat, délivré de ses plaisirs de cendres, découvre
la couleur avec des joies d’amant. Le fauvisme renaît avec Tailleux par la couleur
et par l’esprit. Et nous avons choist un peintre de vingt ans, qui sort déjà des
chantiers de jeunesse : Dany. Devant ses dons, Bonnard s’émerveille. Dany nous
promet de beaux massacres, avant qu’il ne songe à remettre de l’ordre dans sa
maison.
Parmi ces noms qui fleurent le terroir, il s’en est glissé un dont la consonance
est étrangère: Kostia Terechkovutch. J’ai choist ce peintre, parce qu’il montre
comment nos poids et nos mesures peuvent équilibrer les dons d’un artiste,
étranger pourtant à notre climat, au point d’en faire un des meilleurs évocateurs
de nos vergers et de nos filles.
Ce nom rappelle que la France, de Charlemagne à nos jours, n’a pas cessé
d'être pour les artistes, les écrivains, les philosophes, une patrie de l’esprit.
D’Alcuin à Bacon, de saint Thomas à Pétrarque, que de gloires étrangères ont
enrichi notre climat! Faut-il montrer les étudiants de l’Europe entière se pressant
dans les écoles de Saint-Louis, et le duc de Berry « caressant » les artistes des
Flandres, la Bourgogne rivale œuvrant pour nous, l’Ecole d'Avignon, au confluent
de l’Italie et de la Flandre, faisant le point du génie français ? Faut-il montrer
vers 1760, et pendant la Révolution même, Paris devenu l’école normale de l’art
européen ? L'Ecole de Paris a ses signes de noblesse. Comment détacher de notre
sculpture Claus Sluter, de notre peinture Van Gogh, Sisley ou Pissarro ?
Jean Clouet venait de Bruxelles. Et Watteau n’a-t-il pas failli, le plus français
de nos peintres, ne pas naître chez nous ” Pourtant l’Ecole de Paris ne figure
pas ct. Il ne faut pas s’étonner de cette absence : la France se rassemble. Demain,
d’autres enquêtes seront permises.
La France faut l’inventaire de ses gloires. La Grèce était depuis trois siècles
éteinte, quand Rome vint embaumer ses dépouilles. Elle n’avait plus à envoyer à
ses envahisseurs que des rhéteurs et des glorres d’Institut. Et c’est parce qu’elle
n’avaut plus de vrais artistes, qu'incapable de vaincre, il ne lui restait plus qu’à
mourir. Or il nous semble que la France compte encore des architectes, s’il lui
manque une architecture. des philosophes, des savants, des musiciens. Notre
crève-cœur a trouvé son poète, et d’autres chantent français qui ne portent pas tous
des noms de France. Nous tenons avec Maillol un sculpteur qui fait songer aux
Grecs, avec Despiau un modeleur de visages qui rappelle les Gothiques, et tant
d’autres qui prouvent que la France est avant tout un pays de plasticiens. Nous
avons des ferronniers continuateurs de Jean Lamour, des potiers dignes de Palissy,
des ébénisies émules de Boulle, des orfèvres à l’école des Germain. Et des ingénieurs
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