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de circonstanciés particulières, se .trouve associé. Je dis que ce désir plus
ou moins conscient — dans le cas précédent la hâte de voir apparaître la
statue toute entière telle qu’elle doit être — n’entraîne de trouvaille à deux,
sans doute à davantage, qu’autant qu’il est axé sur clés préoccupations com
munes typiques. Je serais tenté de dire que les deux individus qui mar
chent l’un près de l’autre constituent une seule machine à influence amor
cée. La trouvaille me paraît équilibrer tout à coup deux niveaux de
réflexion très différents, à la façon de ces brusques condensations atmos
phériques dont l’effet est de rendre conductrices des régions qui ne l’étaien!
point et de produire les éclairs.
Quelques mois plus tôt, poussé par un fragment de phrase de réveil :
« le cendrier Cendrillon » et la tentation qui me possède depuis longtemps
de mettre en circulation des objets oniriques et para-oniriques, j’avais prié
Giacometti de modeler pour moi, en n’écoutant que son caprice, une petite
pantoufle qui fût en principe la pantoufle perdue de Cendrillon. Cette
pantoufle je me proposais de la faire couler en verre et même, si je me
souviens bien, en verre gris, puis de m’en servir comme cendrier. En dépit
des rappels fréquents que je lui fis de sa promesse, Giacometti oublia sur
ce point de me donner satisfaction. Le manque éprouvé réellement à plu-
sieurs reprises, de cet objet, m’inclinait chaque fois à une assez longue
rêverie, dont je crois dans incn enfance retrouver trace à ce même propos.
Je m’impatientais de ne pouvoir imaginer concrètement cet objet, sur la
substance duquel plane d’ailleurs par surcroît l’équivoque euphonique du
mot « vair ». Le jour de notre promenade, il n’en était plus question entre
Giacometti et moi depuis longtemps.
C’est rentré chez moi qu’ayant posé la cuiller sur un .meuble je vis
tout à coup s’en emparer toutes les puissances associatives et interprétatives
qui étaient demeurées dans l’inaction alors que je la portais. Sous mes
yeux il était clair qu’elle changeait. De profil, à une certaine hauteur, le
petit soulier de bois issu de son manche
aidant —
— la courbure de ce dernier
prenait figure de talon et le tout la silhouette d’une pantoufle
à la pointe relevée comme celle des danseuses. Cendrillon revenait bien,
ou ha/1! La longueur réelle de la cuiller ce tout à l’heure n’avait plus rien
de fixe, ne pouvait présenter aucun caractère contrariant, elle tendait vers
1 infini aussi bien dans le sens de la grandeur que dans celui de la petitesse:
I
c’est qu’en effet le petit soulier-talcn présidait à l’enchantement, qu’en lui
logeait le îessort même de la stércclypie (le talon de ce soulier-talon eu!
pu être un soulier, dont le talon lui-même... et ainsi de suite). Le bois
d’abord ingrat acquérait par là la transparence du verre. Dès lors la pan
toufle au talon-soulier
qui se multipliait pienait sur l’étagère un vague
air de se déplacer par .ses propres moyens. Ce déplacement devenait syn
chrone de celui de la citrouille-carrosse du conte. Plus loin encore la cuiller
de bois s’éolairait, d’ailleurs, en tant que telle. Elle prenait la valeur
ardente d’un des ustensiles de cuisine qu’avait dû manipuler Cendrillon
avant
métamorph
Ainsi ,se trouvait spécifié concrètement un des