Volltext: Intervention surréaliste (1)

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tradition morale, léguée par les quelques 
protestataires épars au siècle dernier de 
vant l’invasion monstrueuse de l’argent. Il 
s agit là, encore une fois, de « cas limités », 
mais non pas, comme le succès du surréa- 
l 
lisme contribuerait à le prouver, exception 
nels. Or, partis de la misère affective et 
vague, dont on ne saurait trop répéter 
qu'elle est encore de la plus poignante ac 
tualité, les surréalistes se sont immédia 
tement orientés vers la défense du désir, 
vers l’inspiraiton individuelle, vers une so 
lution diamétralement opposée à la mili 
tarisation mussolinienne ou raciste. A une 
époque où le fascisme était encore bien 
loin de son hyper-actualité présente, des 
hommes nés dans la bourgeoisie dressaient 
déjà un2 attitude morale curieusement in 
verse de l'idéal fasciste (6). Cependant rien 
n’était encore nettement dégagé et l’his 
toire des nuances de conceptions éthiques 
qu’ont débattu les surréalistes sera un jour 
ardemment recherchée comme tableau élec 
tif du plus délicat enchevêtrement de com 
plications caractéristiques de notre temps. 
Il me semble que la morale nettement maté 
rialiste s’est débarrassée lentement, au cours 
de révolution du surréalisme, du besoin 
d’offrir quelque prime au sentiment, don 
nant lieu à des aspirations plus ou moins 
évasives, mystiques, ou agnostiques. L’a 
dhésion à l’action révolutionnaire commu 
niste tend à y mettre fin, de même que sur 
le plan intellectuel la reconnaissance du 
matérialisme historique et de la psychana 
lyse, qui reçoit son ultime précision dans 
les Frises Communicants d’André Breton. 
Enfin, lorsque Salvador Dali dans la Fem 
me Visible (1930) a écrit qu’il fallait tra 
vailler « au profit de tout ce qui, à travers 
les infâmes et abominables idéaux esthéti 
ques, humanitaires, philosophiques, etc., 
nous ramène aux sources» claires de la mas 
turbation, de l’exhibitionnisme, du crime, 
de l’amour » la position morale spécifi 
quement surréaliste est nettement formu 
lée : il s’agit de discréditer tous les senti 
ments en dénonçant derrière leur apparence 
la réalité matérielle du désir. 
Ici nous sommes très loin, bien entendu, 
d’une position morale commune à tous les 
révolutionnaires. Néanmoins, l’attitude ex 
ceptionnelle de lucidité et de méfiance des 
surréalistes à l’égard des sentiments su 
blimes et sociaux, pèsera d’un poids capi 
tal dans la constitution imminente d’une 
conception éthique à opposer nettement et 
minutieusement à l’agrégat de sentiments 
féodaux du fascisme, de façon à capter au 
tant que possible les forces idéales en 
disponibilité dans les classes indécises et 
à les allier au prolétariat. Encore une fois, 
et pour résumer allusivement la significa 
tion politique et sociale du surréalisme, de 
laquelle en dépit de son adhésion au maté 
rialisme dialectique il n’a pas encore été 
rendu compte, les surréalistes ne sont pas 
des ouvriers, ils n’ont pas envie de se dé 
guiser en ouvriers, ils peuvent rendre des 
services tels qu’ils sont; ils sont nés dans 
la bourgeoisie, et comme phénomènes scin 
tillant d’une lumière un peu vive, ils font 
partie de ce qu’il y a de plus propre dans 
les classes moyennes, en France ou ailleurs. 
Fresque tout le reste est encore foule obs 
cure, éparse, disponible, et qui bientôt, 
peut-être disposera. L’éthique future n’ira 
pas d’ailleurs sans concession de la part du 
marxisme figé enseigné aux prolétaires dont 
les chefs... mais ceci est une autre his 
toire. L’unité d’action antifasciste en France 
dépend d’une très large unité morale. Le 
programme d’action en découlera. 
Il faut entendre intelligemment l’idée de 
ruine des sentiments. Il est contradictoire 
qu’une société se passe d’exaltation collec 
tive. Or, comme révolutionnaire, il me plaît 
que se crée une société tolérable. La morale 
de l’avenir ne consistera pas à supprimer 
les sentiments mais à s’en rendre maître et 
à les subordonner au désir. 
C’est-à-dire que les sacrifices nécessaires 
seront réduits au strict minimum (j’entends 
dans le strict minimum la vie des gens 
quand il faut se battre). Pour cela, il im 
porte avant tout maintenant de connaître 
minutieusement et de vulgariser les» preuves 
de l’homogénéité réelle du sentiment et du 
désir, afin de discréditer la position avan 
tageuse du sentiment exploité par les fas 
cistes. C’est-à-dire qu’une propagande spé 
ciale doit répandre les résultats de la 
psychanalyse, attirer particulièrement l’at 
tention sur les inconvénients de la famille 
et de la religion, de toute espèce d’ascé 
tisme, analyser les crimes, etc. Provoquer 
par tous les moyens aux satisfactions ma 
térielles; faire la guerre au masochisme et
	        
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