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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
ment votre mari s’est-il procuré ce savon?
— Puisque je ne le dis pas à monsieur,
réplique Mélanie, en quoi cela regarde-t-il
monsieur? Il n’est pas responsable. On lui
fournit de la marchandise à un bon prix,
il l’achète. Voilà.
Elle a l’air parfaitement convaincue que
ce raisonnement est irréfutable.
— Ecoutez, Mélanie, décide sagement et
avec honnêteté M. Alquié, cette affaire me
paraît louche. Portez votre savon où vous
voudrez, mais moi, quand j’en aurai besoin
pour me laver les mains ou faire la lessive
dans la maison, j’irai l’acheter chez le pa
tron de votre mari, si tant est qu’il vende
au détail, ce que je ne crois pas. Et c’est
même pourquoi cette affaire me paraît dou
teuse... Voyons, ma fille, votre mari l’a
volé... disons chipé, ce savon?
— Mais non, monsieur, mais non ! Il l’a
pris. Vous comprenez, les ouvriers en
prennent un peu. C’est bien le moins, puis
qu’ils le font !