ÇA IRA !
191
NOTULES
Les Livres
Deux livres d’Edmée Delebecque : “Dans
la solitude du cœur“ et “Psaumes traduits de
VHébreu" (à Paris, chez Delesalle).
Aléa jacta ! Les femmes ont arraché les
portes de gynécée. Elles seront dorénavant
les égales de l’homme. Et, cependant, nos
contemporaines sont indignes de cette éman
cipation. Elles dansent trop. Elles ont, pauvres
perruches vicieuses, instauré le règne de la
frivolité. Aussi, ce nous fut un vif plaisir de
rencontrer, parmi les fox-trottantes, une con
sœur vivant mieux. On ne dira pas : ‘'Elle est
gentille, elle est jolie". On ne lui demandera
pas l’adresse de sa modiste ; on ne jugera pas
ses romans selon les faveurs qu’elle accorde
au sexe fort. — Edmée Delebecque a composé
une œuvre probe.
Sans discuter ses opinions qui ne rallieront
pas tous les suffrages, nous pouvons discerner
son tempérament : fougueux, enthousiaste,
romantique. Elle aime profondément la nature.
Elle a le don généreux du sacrifice et le bon
heur de l’humilité. Mais sa joie n’est jamais
sereine. Son“ idéalisme est trçp matérialiste.
Elle pleure beaucoup et cette faiblesse n’est
pas conciliable avec l’énergie qui provoque,
dans la Solitude du cœur, des explosions de
grand lyrisme. Elle manque d’unité. D’ailleurs,
les espoirs, qui tentent l’esprit d’Edmée
Delebecque, sont immenses. Elle désire tout
le bien, et cela excuse sa technique inexpéri
mentée. On écoute, avec respect, le souffle qui
anime ses poèmes, souvent déshonorés par des
Times fades ou des expressions obscures.
Dans la solitude du cœur et les Psaumes
(ceux-ci se distinguant par une bonne compré
hension du texte hébreu) constituent une
précieuse promesse. W. K.
❖
Les libellules crucifiées par André David
(à Paris, chez Jules Meynival).
André David est capable des plus pures
sacrifices et redoute la moindre souffrance. 11
pense, avec amertume, au passé qu’il admire et
ne songe pas au futur qu’il craint. C’est une
âme ardente et un cœur faible. Il paraît blasé.
Il se nourrit de lamentations qui sonnent faux
dans sa bouche. Le mal du siècle atteint sa
jeune vigueur. Au lieu de courir à l’aventure
et de ne pas marchander son enthousiasme, il
mesure ses élans, il tergiverse. Ignorant la vie,
il la discute partialement. Entre sa pensée et
ses actes, il cherche toujours une harmonie
qu’il ne trouve pas. Il pleure et ces pleurs,
vains comme des mensonges, aigrissent encore
le tempérament du poète, qui se trouble et ne
tâche plus à s’analyser lui-même. L’erreur
grandit. On dit gentiment des choses anodines
et on cache, sous son affectation un triste
irréalisme.
André David proclame :
Que m’importent la bonté des matins,
la faiblesse des soirs,
l’eau caressante vers laquelle
se courbent les jeunes herbes,
tous les beaux jardins sous la lune chagrine ;
Puis, il cisèle les strophes d’amour frêles
comme des haïkaï ; il parle ensuite de bibelots
ou de la mort, sans plus insister, et crée, ainsi,
une œuvre disparate, ou faillit, de temps à
autre, un cri de joie ou de fervente communion
avec la nature :
les amendiers sont en fleurs,
et l’herbe est molle et fraîche
et enfonce sous ses pieds.
Notre terre est belle, mon Dieu !
Je suis heureux d’y vivre....,
tempéré, imédiatement par ce tragique aveu :
Mon Dieu, je vous supplie d’ordonner ma vie,
de faire qu’elle me sourice !
Le style, sans doute, se ressent de ces chocs.
Les poèmes gagneraient à être maniérés et
plus concis. Â lire ces strophes amples, ondu
lantes, parfois désunies, on dirait que les vers
ont peine à se former. Ils hésitent, et le rythme
se déssine confusément.
Mais il sera facile à André David d’écarter
ces caillous d’achoppement et d’obtenir après
un léger effort, "la couronne de poésie qu’il
peut mériter". W. K.
*
* *
Petites filles par Henri de Chalys (Assoc.
des jeunes Littérateurs et Artistes français).
Monsieur H. de Chalys s’attache à dépein
dre les petites filles qui
“Se livrent en cachette
aux jeux délicats de Sapho.“