FRANCIS GERARD
Une chaumière et un cœur
Le chemin de fer me déposa sur le quai de Paris et n’alla pas
plus loin ; ce qui, tout de même, me flatta. Ma maîtresse, toujours
fidèle,avait quitté pour mon retour ce coulissier hongrois qui fut
à Deauville son voisin de chambre. « Quittez aussi, lui dis-je,
cette brune voilette, ce jersey de soie, et jusqu’à ces petits souliers
de daim. -- Qu’allez-vous croire là, mon ami, je ne lui ai pas
seulement adressé la parole à ce monsieur. D’ailleurs il ne parle
que magyar ». Cette phrase prouvait trop son mensonge. « C’est
toi que j’aime 1 » Comment voulez-vous qu’on résiste ?
Les journaux du matin vendent peu cher les secrets du dernier
jour : l’assassin fut reconnu à ce qu’il chantait la chanson qu’une
voisine entendit le matin du crime. Il avait étranglé en fermant
les yeux celle qui se moquait quand il pleurait d’amour, et par
nonchalance emporté aussi un collier de perles. On le met en cage.
Je lui fais envoyer quelques fleurs. Et je vais parler de lui auprès
de Lucienne, sa sœur pareille, qui, en guise d’entrée en matières,
vous offre des amandes salées.
Chez Lucienne, la sonnette préluda à toute aventure. Derrière
la porte Léa trouva soigneusement un bel officier, c’était le
facteur des recommandés. Contre- une lettre cinq fois fardée,
elle attesta sur un carnet sa bonne conduite. Ce n’était pas un
faux, puisqu’il n’y avait intention de nuire.
Elle donna la lettre à Lucienne, mais en personne habituée
surtout à recevoir. Lucienne la fendit comme un abricot mûr,
abandonnant l’écorce au tapis :
Le peliL joueur discobole
Est entré dans la cathédrale.
U s’est, paré, des vêtements du prêtre et des symboles
Ivre et tendre, il a versé des larmes sur les dalles.
Un temple, on entre nu, on s’y baigne, on y plonge
Les cœurs en ex-voto sont des fruits que Dieu mange.
L’ombre est parfumée des larmes répandues.
Les trente-deux vitraux, ils sont le jeu des cartes
A jouer te Paradis perdu.