L’ŒUF DUR
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PIERRE MAC ORLAN
Simonne
Au coin de la rue des Saules
la silhouette souple et fragile de Simonne
avec désinvolture s’est dressée dans la nuit
seule au milieu du trottoir humide
délicatement surveillée par les réverbères
posés comme des agents de police, au-dessus de la mêlée...
les « flics » de la police des âmes,
à deuxheuresdu matin, dans la chanson enrouée du petit jour !...
La jeune femme a les cheveux coupés
et frisés comme ceux de la Sulamite.
Sa cloche de satin noir est enfoncée ainsi qu’un casque.
Elle marche, et derrière elle
elle entraîne la nuit, l’odeur des choux de la banlieue
les rues sinistres d’un soir de peste mémorable.
Dans l’angle photogénique des coins de rues
guette l’attaque nocturne aux jarrets d’acier.
Mademoiselle Simonne ne craint rien
car elle a des relations
qui l’empêchent momentanément de mourir un brin
tout au moins de cette façon.
< Demandez... dix centimes...
Voilà Maria...
La Panthère des Batignolles... »
Place Pigalle, jardin des lumières apprivoisées,
Les femmes aux yeux brillants de publicité
courent sur les manèges comme les souris de la ruine.