ÇA IRA !
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orgueilleux, et sacrifie sa vie pour ne pas
abandonner ce fou qui se joue et joue aux
autres la comédie de la-mort-qui-vient. Heu
reusement elle n’a pas perdu grand chose en
renonçant à l’amour d’Hugues Pradelle qui se
laisse, un peu trop facilement peut-être, mener
par une autre bergère. De sorte qu’on ne sait
pas trop si elle a ou non gâché sa vie.
Le caractère d’Armand Vautier, le frère de
Constance, est assez bien typé, mais il est
dommage que l’auteur ait donné à Hugues une
aussi piètre figure.
Le roman se passe dans les environs de
Grenade, et nous savons gré à Edmond Jaloux
de n’avoir pas abusé des descriptions.
Au total, malgré certains défauts — dont
encore l’allure factice et guindée des dialogues
— une œuvre qui est une promesse d’autres,
plus parfaites. M.V.E.
❖
* *
Le Rêve en croix, par Marcel Raval (édition
des Feuilles libres). Préface de Georges
Duhamel.
Marcel Raval est un jeune homme coura
geux, qui nous présente quelques poèmes
“ amers, cueillis de la seizième à la dix-huitième
année „. L’innocence, la justice, l’amour se
partageaient son cœur. Loin des foules, il
chantait son rêve. Mais l’heure tragique avait
sonné. Devant le carnage il s’est recueilli. Il a
senti ses idées vieillir, et son front se rider. Il
s’est insurgé, avec un violent désespoir, contre
le meurtre de son âme Pourquoi, dit-il aux
hommes, “ avez-vous exténué ce petit mot :
vie ? „ Sa détresse lui fait écrire :
Je voudrais être mort ce soir.
Puis, sa voix s’apaise. Il a changé. Il pense
aux morts. Il n’ose même pas tuer un papillon
qui s’est buté contre sa vitre ; il pense aux
champs de bataille, où l’on a
....tué quatre millions
de papillons !
— et qui avaient une âme !
Et cette promesse :
Je voudrais gravir un calvaire
et souffrir haut, à mes deux tempes,
la couronne de patienée
et des baisers de flamme sur mes nerfs,
nous fait bien augurer de ce premier élan. Sauf
un abus d’adjectifs et une mythologie mise
trop à contribution, ce petit livre est bon.
W.K.
*
* *
L'équipe, par Francis Carco (Emile Paul
frères, Paris 1919).
Nous connaissons surtout Carco par son
beau roman “ Jésus-la-Caille „ paru jadis au
“ Mercure de France „. On pourrait dire que
“ L’équipe „ livre écrit dans le même ton, y
fait suite quelque peu,
Si Bourget est le prototype du fade roman
cier de salon, le psychologue superficiel du rut
des petites jeunes filles riches, si Richepin est
le faux poète des gueux et Rictus le vrai,
Francis Carco est sans contredit le chantre
divin de la racaille, le véritable Homère de la
“ glorieuse crapule „.
“ Jésus-la-Caille „ et “ L’équipe „ sont de
véritables épopées : c’est la geste des apaches
de Paris. On y apprend à connaître un peu le
genre de vie des souteneurs et des bandits du
Boulevard de Clichy ; car il faut bien dire que
novs ignorons presque tout de la vie de ces
apaches des faubourgs, cambrioleurs impéni
tents, constamment guettés, mais rarement
“ pincés „ par les “ flics „.
Dans “ L’équipe „ Carco nous conte la vie
du Caqitaine, sombre voyou aux allures sus
pectes. Son “ équipe „, sous ses ordres, pille
en pleine sécurité les maisons des bons bour
geois, et sans remords assassine les habitants,
si le besoin s’en fait sentir. Et après chaque
expédition, combien douce la vie oisive dans
les bars et les bals des faubourgs !
Il nous est donné également d’assister à une
sinistre joute entre le Capitaine et son compé-