21 —
la découverte chez le poète d’une valise contenant des statuettes
dérobées au musée du Louvre, Guillaume Apollinaire, inculpé
du vol de la Joconde (septembre 1911) fut emprisonné pendant
quelques jours. Dans une protestation qu’ils adressèrent aux
journaux, ses collègues affirmèrent qu’ils tenaient Apollinaire
pour incapable d’un tel acte d’énergie. Nous reproduisons la
lettre envoyée à cette occasion à Paris-Journal par le véritable
voleur. Celui-ci qui signe baron Ignace d’Ormesan, du nom qu’il
porte dans « L’Hérésiarque et Cie » a disparu depuis cette
époque et c’est un peu dans l’espoir de retrouver un hommê
supérieur que nous publions aujourd’hui cette lettre de rectU
fication :
Francfort, 9 septembre.
A Monsieur Etienne Chichet,
rédacteur en chef de Paris-Journal,
Monsieur le rédacteur en chef,
J’apprends par un journal du soir l’arrestation de celui qui
fut longtemps mon ami. J’ai hésité à vous écrire, parce qu’il
n’est point dans mes habitudes de le faire en des moments cri
tiques. Inutile d’ajouter que les quelques douzaines de lettres
que la Sûreté prétend avoir été envoyées par moi à M. Apol
linaire ont été dictées par elle pour les besoins de sa cause.
Mais j’ai mon sens de l’honneur, Monsieur, et je m’en voudrais
de ne pas mettre les choses au point, au moment où un artiste,
dont les aventures romanesques parurent arrêter un moment
l’esprit curieux, se voit inquiété, au mépris de toute justice,
pour des méfaits qui lui furent longtemps inconnus et qui,
lorsqu’il en eut connaissance, furent cause de notre rupture.
A l’époque où j’enlevai le couple phénicien, je ne connaissais
pas encore M. Apollinaire. J’eus l’avantage de le rencontrer au
Kursaal d’Ostende, peu avant mon départ pour la Californie et,
à mon retour, le rencontrai de même, tout à fait par hasard,
à Paris.
J’étais en difficultés et lui proposai moi-même de lui servir
momentanément de secrétaire. C’est peu après, pendant qu’il
était aux bains de mer, que la nostalgie du Louvre me reprit
et que je me livrai aux voluptés d’un nouveau rapt. Connaissant
ses principes, j’eus soin de le lui cacher, et ce n’est qu’au
moment de la disparition de la Joconde qu’il découvrit la prove
nance de ma poupée favorite. « Mon cher ami, me dit-il, et je
me rappelle exactement ses paroles, mieux vaut t’en aller immé
diatement. Je ne partage pas tes opinions, et je regrette de
t’avoir invité chez moi, maintenant qu’il me faut bien croire