W. MAYR
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MUSIQUE
PHYSIOLOGIE DU CHEF D’ORCHESTRE
Le chef d'orchestre s'agite sur son podium... Dominera-t-il, ou
sera-t-il dominé ? Duel d’impérialisme dont le public est le témoin.
Mais l’issue de cette lutte entre un homme maniant une baguette et
cent hommes armés d'instruments variés, l'issue peut se connaître
d’avance : elle dépend de la physiologie de l’homme à la baguette.
De sa physiologie, beaucoup plus que de son physique. Sans doute,
je préfère qu’il ne soit ni bossu, ni nain. La stature importe peu
cependant. Napoléon, n'était pas grand; son prestige ne lui venait pas
de sa taille, mais de son regard, de sa parole, de son attitude. Oui,
de sa physiologie, plutôt que de son physique.
Ainsi le chef de musique, le chef d'orchestre qui mène l’armée du
quatuor, anime les bois, commande k la tempête des cuivres, et
déchaîne les grondements d'artillerie de la batterie. Il doit être pétri
de sang et de chair, un tempérament qu'on appelait « sanguin » dans
l'ancienne terminologie de l'éthique.
Point besoin d’un gendarme, donc. Je l'ai remarqué récemment
quand Igor Stravinsky dirigeait ses œuvres : ce diable d’homme, qui
n’a rien d'un géant, étendait les bras avec tant d’énergie, indiquait
les entrées d'un coup de menton si autoritaire que /' Oiseau de feu
partait des archets comme une flèche sur un coup de cymbale.
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On venait d’acclamer Paul Paray qui, dans les Préludes, avait
marié le chant du cor à la mélodie du hautbois, puis déchaîné la
cavalcade des violons au milieu de l'éclat des trombones. Une dame,