LE MASSACRE DES INNOCENTS
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LE
MASSACRE DES INNOCENTS
Epttre aux dadaïstes repentis
L’époque est malade, l’époque a mal au cœur. Estomac et sentiments :
voilà le mal de cœur. Et les soigneurs, grands vétérinaires et pharma
ciens sales, peuvent agiter leurs seringues ou leurs éprouvettes, analyser,
canaliser et parler fort de la santé morale, eux-mêmes souffrent du
même mal. Et montés sur de grandes échasses pour que chacun les
puisse admirer, ils ne s’aperçoivent point des vomissements mêlés à leur
discours ni des abcès de leur front. La tare n’est pas ce qu’ils dénon
cent, mais ils en sont un des visages menteurs et hypocrites, tourmentés
de leur salut devant l’humanité, lécheurs de conscience, onanistes du
bien, mahomets à varices, et dieux unijambistes. Ils couraient en jetant
des excréments dans les lieux saints ou crachaient dans la crème fouettée
des goûters bourgeois. Ils posaient à l’antéchrist en automobile, ou au
diable moderne. Et les pierres de la lapidation leur étaient, semblait-il,
douces comme du pain d’épice. Les sortilèges du fakir font changer à
l’instant la graine en arbre. Il est bien plus facile de changer la pierre