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LA MUSIQUE
à couplets, a composé une ravissante partition dont le principal
mérite est de ne jamais lasser l'auditeur.
Il y a en effet dans cette œuvre, tant de grâce et d'entrain, qu’il est
impossible de résister au parfum d'un tel bouquet. Malheureusement,
l’orchestration de certains airs, en particulier ceux d'Isabelle, ternit
l'éclat de la musique. La faute en est, je crois, au caractère net
tement pianistique des accompagnements. Le quatuor en général sonne
gris ; les bois sont lourds, surtout le hautbois, auquel Sauguet confie de
véritables traits à la Chopin ; mais tout cela s'apprend alors que ne
devient pas musicien qui veut. Il y a d’ailleurs, ça et là, de jolis coins,
tel que le réveil de l'oiseau avec ses trilles de flûtes, qui attestent
chez Sauguet le sens de L orchestre. Nul doute que sa prochaine œuvre
ne soit une réussite complète. L’exécution de ces nouveautés fut
des plus honorables.
Madame Beriza, quia une fort jolie voix joue avec aisance et naturel.
L'orchestre était conduit par Ernest Ansermet, c’est dire qu'on tou
chait du doigt la perfection.
LES FACHEUX par Georges Auric - (Ballets Russes).
Peu de musiques me réjouissent et m'émerveillent autant que la
partition écrite par Georges Auric pour les Fâcheux. C'est une œuvre
parfaite. Je laisse à certains critiques le soin de découvrir brusque
ment un musicien que j’ai toujours admiré sans réserve.
Pour moi les Fâcheux ne sont pas, comme d'aucuns le prétendent,
une belle surprise, mais bien plus l’aboutissement logique d'une suite
d'œuvres remarquables telles que les poèmes de Cocteau, l'Alphabet,
les Pastorales et la Sonatine de piano.
Cette partition écrite avec un soin extrême de l'année 1921 à l'année
1923 ne sent jamais l’effort. La musique jaillit du cœur, de l'esprit et des
muscles, avec abondance. Un tel mélange de santé et de tendresse se
rencontre rarement. Le Nocturne si poétique gagne encore en émo
tion a être ainsi enchaîné à un final majestueux et raide comme les
carrés d'ifs chers à Versailles.