L’ŒUF DUR
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JEAN COCTEAU
Mystères de Vénus
et des Fusiliers Marins
(JVieuport, iÿi6.)
Allant de l’un à l’autre bord,
En son lit toujours mal bordée,
La mer essaye de dormir.
Le vieux Rhin, à son embouchure,
Lance dans la mer ses ondines.
Chacune porte un bock d’écume
Et de bière pour les marins.
Ayant toutes la même idée :
Faire l’amour avec un mort,
Elles savent rire et gémir.
Le Rhin roule ses tonneaux d’or
Et ses filles de brasserie.
En mer, ne se défiant d’elles,
A coups de feu, le marin cloue
Une mouette sur le ciel.
Et pendant qu’il vise en l’air,
Bas, des yeux de loup s’allument,
Car sous l’arche des sourcils, coule,
Comme un fleuve, le regard bleu
Des cruelles filles de l’onde.