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DADA
“Il n'y a rien qui puisse plaire à la vie, exepté la vie !„ Cette parole
profonde de Francis Picabia donne la clef du dadaïsme. Le mouve
ment Dada n’est pas mort, comme le croit Jean Cocteau, mais
dépassé, demeuré incompris et mal connu ; il a son histoire, semblable
en cela au romantisme ou au symbolisme. Histoire simple que d’aucuns
ont eu intérêt à falsifier et que je vais vous conter ce soir, mes amis
à la lueur de nos cigarettes tonkinoises.
Vous vous souvenez sans doute des premiers tableaux cubistes, des
fureurs du public, des apologies de Guillaume Apollinaire et de
l’incompréhension des peintres ; vous vous souvenez aussi des imita
tions adroites des copies serviles.... Le cubisme créé par Pablo
Picasso, Marcel Duchamp et Francis Picabia, au milieu des hurle
ments de la presse, doit aujourd’hui, paraît-il, sa naissance à l’eunuque
Albert Gleizes qui promène ses cubes devant l’auditoire favori
d’Henri Barbusse. Cette histoire est aussi celle du dadaïsme.
A New-York, en 1914, durant de longues solitudes, puis dans le
salon de Picabia où venaient chaque nuit de nouveaux inconnus qui
ne se présentaient pas au maître de maison, (Marconi n’y passa-t-il
pas une veillée sans que le peintre s’en doutât ?) bercés par les harmo
nies mélancoliques d’un gramophone et parce qu’un état de neuras
thénie aigüe les prédisposait à ce dégoût, souvent raisonnable, Francis
Picabia et Marcel Duchamp trouvèrent le dadaïsme. Ils considéraient
que l’Art n’était pas une religion, qu’il était ridicule d’édifier des
chapelles, que rien ne vaut rien et qu’un tableau de Léonard de Vinci
valait une toile de Cézanne.
Or, en Allemagne et en Suisse, au cabaret Voltaire, à la même
époque, des artistes allemands Huelsenbeck, Bail, Schad et un juif
roumain Tristan Tzara que préoccupaient les mêmes questions, don
naient au mouvement son nom : Dada. Tzara, revendique la paternité
de ce mot dont Huelsenbeck se flatte d’être le père, mais j’ai pour
l’auteur de “ Ma Antipiryne,, une telle admiration (il la connait
d’ailleurs très bien) que je ne doute pas de sa conception. Les circon
cis ont toujours des enfants, par erreur, sans le savoir.
Ce fut en 1919 que le dadaïsme apparut en France, se groupent
autour de Francis Picabia et de Tristan Tzara ; Clément Pansaers, le
poète dont les curieux livres “Le Pan-Pan au Cul du Nu Nègre,,,
“Bar Nicanor,, et “Apologie de la Paresse,, paraissent, quittait la