Hugo Ball, Cabaret Voltaire. Recueil littéraire et artistique, 1916

La première publication des dadaïstes parut à la fin mai à l’occasion d’une soirée. Désignée comme Recueil littéraire et artistique, elle rend compte des activités dans la première phase du Cabaret Voltaire. Dans le texte introductif Hugo Ball définit la position du Cabaret, lieu indépendant, au-delà de la guerre et du nationalisme des patries, et il souligne ce caractère ouvert également dans les notices rédactionnelles. Le mot Dada surgit pour la première fois sous forme imprimée avec ce cahier, et c’est aussi pourquoi on fait de ce bistrot avec une petite salle de spectacle le lieu de naissance officielle du dadaïsme. Hugo Ball annonce dans l’introduction une revue internationale intitulée Dada ; Tristan Tzara et Richard Huelsenbeck jouent dans leur dialogue à laisser les premières traces du mythe de Dada : « Olululu Olululu Dada est grand Dada est beau ».

Le caractère hétérogène du Cabaret Voltaire se déduit déjà de la bande-annonce de la publication : « Futurisme Cubisme Expressionisme ». L’exposition présentée au Cabaret Voltaire, et dont le cahier reproduit un « catalogue », est elle aussi consacrée aux différents courants nouveaux. Diverses contributions attestent des relations directes des dadaïstes avec l’art moderne en France et en Italie. Font partie des contenus spécifiquement Dada imprimés, ou encore reproduits dans le cahier, le poème simultané en trois langues « L’amiral cherche une maison à louer » (conclusion unisono : « L’amiral n’a rien trouvé »), des travaux d’Otto van Rees et de Jean Arp (Image en papier, Tapis), ainsi que des références à l’« art nègre » (Affiche pour le Chant nègre de Marcel Janco). L’attention portée à la mise en pages de la couverture et les fréquents tirages de variantes ou de luxe allaient être une marque des publications Dada à Zurich.

Le Cabaret offrait cinquante places assises à des tables recouvertes de rouge ; il y avait quelques bancs sur les bords, les murs étaient peints en bleu, le plafond en noir ; il y avait probablement aussi des abat-jour rouges et verts, la scène était petite, « bien trop petite pour laisser place au moindre moment d’ennui » (Züricher Post) et, dans un coin, il y avait un piano noir « comme un animal à l’affût » (Han Coray). La photo en noir et blanc du tableau à l’huile de Marcel Janco a disparu dès 1925, des répliques ultérieures restent les seuls témoignages visuels de l’aménagement et de l’ambiance de cet endroit.

Tirage: 500 exemplaires pour l’édition française ; le tirage est moins élevé pour l’édition allemande (le texte introductif de Hugo Ball est en allemand), broché (1 à 2 francs suisses) et cartonné (2 à 3 francs suisses). Il est probable que le tirage à part annoncé de 50 exemplaires n’a pas été édité. La couverture, dessinée par Jean Arp, est en papier blanc rigide, le bord extérieur marqué en rouge et rehaussé par des bandes dorées, à quoi s’ajoute le cliché d’un dessin d’Arp imprimé en noir. Il existe aussi des exemplaires à la feuille d’argent avec un bord extérieur en bleu. On trouve au Kunsthaus Zürich l’édition allemande sans bande publicitaire. Provenance : Cabaret Voltaire a été acquis en 1968 par le Kunsthaus Zürich lors de la vente aux enchères « Parties de la bibliothèque et de la collection Tristan Tzara (Kornfeld & Klipstein, Dokumentations-Bibliothek III, Berne) ».


→ Marcel Słodki, Affiche pour l’ouverture Künstlerkneipe Voltaire, Gr.Inv. 1992/39
→ Karl Schlegel, Carton d’invitation pour l’ouverture Künstler-Kneipe Voltaire, DADA V:49
→ Marcel Janco, Projet d’affiche pour le Chant nègre, DADA V:47
→ Bergmann & Co., Annonces « Lotion capillaire Dada » et « Shampooing Dada », DADA V:64:1 et V:64:2
→ Emmy Hennings, Lettre à Reinhold Rudolf Junghanns, DADA II:27
→ Emmy Hennings, Gedichte, DADA II:1
→ Hugo Ball, Ein Krippenspiel, DADA II:5
→ Hans Richter, Kaiser Wilhelm als Befehlshaber des Todes, Z.Inv. 1977/44