Hans Richter, Kaiser Wilhelm als Befehlshaber des Todes (L’empereur Guillaume en commandant suprême de la Mort), 1917

Peu après le début de la Première Guerre mondiale, Hans Richter fut appelé sous les drapeaux, puis dégagé des obligations militaires quelques mois plus tard, à la suite d’une grave blessure. À l’automne 1916, sur recommandation médicale, il partit pour la Suisse afin d’y soigner cette blessure. Cela lui permit de réaliser une promesse : selon ses propres dires, il avait convenu avec Albert Ehrenstein et Ferdinand Hardekopf, au moment de l’ordre de marche, de se retrouver deux ans plus tard au Café de la Terrasse, à Zurich. Il y retrouva donc ses deux vieux amis et il s’en fit de nouveaux avec Tristan Tzara, et les frères Marcel et Jules Janco.

Une fois ses forces rétablies, il prit violemment position contre la barbarie de l’époque et s’engagea dans la contestation politique. Accusateur et provocateur, il utilisait crayon et aquarelle. Dans Kaiser Wilhelm als Befehlshaber des Todes (L’empereur Guillaume en commandant suprême de la Mort), il représente le souverain figé au garde-à-vous devant des hommes exécutés. La mort ou la prison, tel était le choix offert à tous ceux qui ne se pliaient pas aux ordres de l’empereur. Dans les séries réalisées alors à Zurich, Die Welt den Ochsen und den Schweinen (Le monde aux bœufs et aux porcs) et Im Felde der Ehre (Au champ d’honneur), les va-t-en-guerre et leurs victimes sont représentés sous une forme violente, spontanément expressive et radicale. Tous ces dessins de l’année 1917 s’inscrivent dans le même esprit de dérision et de raillerie que Totentanz (Danse macabre) qui était alors exposé au Cabaret Voltaire, transformée en chant de marche. Le langage iconographique de Richter – métaphorique et difficile – eut pour conséquence que les dessins destinés à des illustrations ne furent pas publiés. Ses dessins d’Emmy Hennings im Gefängnis (Emmy Hennings en prison) ne parurent pas non plus dans le roman Gefängnis (Prison) de celle-ci (1919).

Dans son texte « Ein Maler spricht zu den Malern » (Un peintre parle aux peintres), publié par le magazine Zeit-Echo, Richter évoquait la responsabilité sociale des artistes : « Comment peut-on répondre de cela, de tant d’horreur et d’absurdité, sans proférer tout son chagrin, sa douleur, ses hurlements, conçu comme on l’est, et avec tout ce qu’autorise de précision la conscience archi aiguisée de ce qui est fautif et injuste, coupable et bon. » Richter était à la recherche de l’homme nouveau : cette quête, dessinée dans une série publiée sous le titre Der heilige Mitmensch (L’être humain sacré), le poussa vers les mouvements politiques révolutionnaires en Allemagne. Son engagement influença les discussions artistiques dans le cercle dadaïste de Zurich et déboucha en 1919 sur le manifeste du groupe d`artistes « Radikale Künstler / artistes radicaux », rédigé par Richter et signé entre autres par Arp, Eggeling et Janco. On pouvait y lire : « Nous artistes, en tant que représentants d’une partie importante de la culture dans son ensemble, voulons nous situer in medias res et assumer notre part de responsabilité pour le développement idéel à venir dans l’État. » Le grand écart entre le sérieux de ce manifeste et les postures dadaïstes montre bien quel contexte de tensions artistiques et personnelles marqua la fin de Dada à Zurich. Le communiqué Gegen Ohne Für Dada (Contre Sans Pour Dada) de Richter, présenté à la dernière soirée Dada, en avril 1919, reflète l’ambiguïté de sa position à l’égard du « Dada couleur pierre de lune ».

Provenance: Don de Frida Richter, sur l’héritage de l’artiste, 1977. Le Kunsthaus Zürich possède 41 dessins de Hans Richter, datés de 1916 à 1918.
Premières expositions : Providence, Museum of Modern Art et autres, The World between the Ox and the Swine, 1971/1972. Zurich, Kunsthaus, Dada in Zürich, 1980. Berlin, Akademie der Künste; Zurich, Kunsthaus ; Munich, Städtische Galerie, Hans Richter, 1982.


→ Hans Richter, Dada-Kopf, Z.Inv. 1977/64
→ Hans Richter, Projet d’affiche pour la 1ère Exposition Dada à la Galerie Corray, DADA V:80
→ Viking Eggeling, Komposition, Z.Inv. 1970/2