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LA PEAÜ DE L’HOMME
habitant des maisons riveraines se réveille en sursaut, il percevra le
bruit sinistre et déchirant qui accompagne le navire dans sa marche
rapide.
On ne sait pas si c’est le craquement de l’air, le froissement de l’eau
ou la chanson des passagers anxieux mêlée aux voix de l’équipage.
Mais ce qui est certain, c’est que l’habitant effrayé se hâtera de
reprendre son sommeil au point où il l’avait laissé et, pour si sombre que
soit le cauchemar d’où il s’était imprudemment évadé, il s’y replongera
encore avec quelque avantage. Il ne veut pas savoir si ce sont les cris de
l’équipage accomplissant sa manœuvre nocturne ou la voix de sa cons
cience exhalant des remords.
La voile carguée, et grâce à un puissant coup de gouvernail, le bateau
vient se ranger près de la pierre humide qui imite assez bien le point
fixe d’ un port.
A ce moment notre héros s’approche et demande à parler au capi
taine.
Ce dernier apparaît justement sur le pont et nous avons alors l’in
croyable surprise de reconnaître en ce personnage jovial celui qui, au
début de ce roman populaire gagnait très largement sa vie en parcou
rant les mers.
Avant de ( se laisser aller à toutes ces effusions qui, à l’arrivée comme
au départ, font perdre un temps précieux à ceux qui s’en vont autant
qu’à ceux qui restent, à ceux qui attendent et à ceux qui arrivent, il
s’occupe du débarquement clandestin de sa cargaison.
C’est toujours abrités derrière un des plus insupportables privilèges,
un de ceux que n’a pas encore pu abattre la submergeante démocratie,
que nous voyons descendre un à un les innombrables passagers du
navire.
Une insurmontable émotion s’empare de nous quand nous voyons
quelle sorte de voyageurs descendent par la passerelle qui relie la terre
ferme au pont. Ce sont des femmes, il n’y a à vrai dire que des femmes,