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Plus récemment, on peut rappeler quelques œuvres jouées
au Théâtre du Vieux Colombier, soit par Copeau dont la plus
remarquable est Cromedeyre le Vieil de Jules Romains, soit
pendant son absence en Amérique, le Dit des Jeux du Monde
de Paul Méral, et une tentative faite par Jean Cassou et moi
dans ce sens.
De plus, après Crommelynck, nous avons également connu
cet hiver Jean Sarment, mais la. qualité de son théâtre est
moins abondamment poétique, subit plus d’influences, fait
appel à plus de trucs et d’imprévu, la poésie > est savamment
dosée, mais le style est plus pauvre, n’a pas cet élan, cette
chaleur et cette émotion imagée qui font que le style de Crom
melynck crée une telle unité d’action et pensée que l’on peut
appeler ses pièces des poèmes.
Prenons telle scène au hasard dans les Amants Puérils
par exemple au deuxième acte, ces paroles de l’Etranger à
l’Etrangère.
« Te voici Elisabeth ! C’est toi! Il y a une vie, avec de grands
« espoirs et des épouvantes, une vie entière que je ne t’ai
« plus vue! Rien n’a changé, je ne t’ai pas quittée un
« instant!...
« Ta bouche brûle sous ton voile comme une fleur noc-
« turne.
(Elle se promet pour demain.)
« Demain, oui, demain, Elisabeth!... tu as promis! Dor-
« mir une fois et c’est demain, plus qu’une fois dormir!
« Depuis une heure, depuis cette promesse, le monde où
« je t’aime est plein d’enchantement! Tantôt ton image
« m’a poursuivi jusqu’ici, légèrement, dans l’air et sur
« l’eau. Tes petits pieds aux ongles frais couraient devant
« mes pas, sur les coquillages. J’ai reconnu le balancement
« de ta marche au milieu des vagues tachetées d’écume;
« tu jouais avec elles comme la charmeuse avec ses
« léopards!...
« Je t’ai vue habillée de vent, derrière la soie des dra-
« peaux, entre les nuages dont l’ombre lente caresse le dos